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Page:Ravaisson - De l’habitude, 1838.djvu/39

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proportionner la quantité de l’effort et à en choisir le point d’application conformément à la fin que nous voulons atteindre ; et en même temps s’efface la conscience de l’effort.

Ainsi les organes s’habituent tellement aux mouvements qu’exigent un exercice violent ou un travail pénible, qu’ils en deviennent pour long-temps incapables de mouvements plus doux. Un homme accoutumé à exécuter des mouvements forts avec les muscles des mains et des doigts écrit moins ferme qu’un autre[1]. Le principe du mouvement s’est fait, sans le savoir, un type, une idée d’action[2] dont il ne peut se défaire, et il dépasse involontairement, convulsivement même, toute fin placée en deçà de sa fin accoutumée.

Nous avions donc aussi de l’application originelle de la puissance motrice à l’organe du mouvement, quelque intelligence confuse et inexplicable et quelque ineffable intention, que l’habitude a pu encore atteindre. C’est le même point où l’habitude amène la conscience obscure de l’effort, puis la conscience claire de la direction extérieure du mouvement dans l’espace. Les degrés de la conscience se replient de la sorte l’un sur l’autre, du plus élevé au plus humble, et alors le mouvement entier se fait comme de soi-même ; il devient tout entier naturel, instinctif, comme l’est toujours la première application de la puissance motrice à l’organe du mouvement.

En outre, si l’effort implique la résistance, la résistance à son tour ne se manifeste que dans l’effort. Comment sortir de ce cercle, et où trouver le commencement ?

La volonté, en général, suppose l’idée de l’objet ; mais l’idée de l’objet suppose également celle du sujet.

  1. Barthez, Nouv. élém. de la science de l’homme, XIII, 1.
  2. Stahl, De vera diversitate corporis mixti et vivi (Theoria medica vera), p. 78-9. Negot. otios., p. 72.