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Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/13

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LA VENGEANCE D’UN INCONNU

Comme je visitais Bordeaux, par un matin d’été, et que je suivais, avec un ami, une ruelle sombre conduisant à la Porte du Palais, mon regard s’attacha sur une maison du XVIIIe siècle, aux balcons de fer renflés, soutenus de cariatides, aux hautes fenêtres surmontées de mascarons grimaçants. Encadrée de jardins, de hauts feuillages pleins de ténèbres, elle semblait prendre ses aises avec les baraques étriquées, tordues, sans doute pauvrement habitées, de son entourage, où l’on voyait du linge et des mouchoirs rouges à sécher. En dépit de la lumière jaune et avare qui ne l’éclairait qu’à demi, les figures sculptées assez rudement, des amours aux jambes cagneuses et aux pieds serpentins cabriolant sous les balustres massifs du premier étage, cette demeure avait grand air ; j’y lisais comme une expression de richesse fastueuse et insolente ! ; des souvenirs de ce négoce hardi qui s’en allait à travers le monde, à la ruine ou à la fortune et qui, s’il avait réussi, étalait au retour son triomphe et criait ses plaisirs.

Voyant que les vieux murs m’avaient rendu songeur, mon compagnon, qui était de la ville, me dit : « Cette maison a une histoire singulière. » Je la lui