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Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/19

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LA VENGEANCE D’UN INCONNU


bel homme avec cela, jeune encore, ayant ces façons élégantes, autoritaires et affables du haut commerce bordelais qui était autrefois une véritable aristocratie. Il passait pour un homme habile en affaires, assez fin dans la conduite de sa vie ; et, bien que ce ne fût pas son métier d’écrire des billets doux, on s’étonnait qu’il eût en cette occasion montré tant de maladresse. Il fallait que Thérésia lui eût tourné la tête. D’ordinaire il observait une réserve extrême ; et, en dehors des affaires et des réceptions obligées, son existence s’écoulait presque mystérieuse au fond de son hôtel de la rue Sainte-Catherine.

Il est vrai qu’il n’avait pas toujours ainsi vécu. On l’avait connu gai, d’une prodigalité extravagante, affichant son luxe et ses débauches. Il entretenait alors une comédienne à la mode, et c’est pour elle qu’il avait fait bâtir ce fastueux hôtel de la Porte du Palais, où il ne l’installa point, car les amants se brouillèrent avant qu’il ne fût achevé. Après la rupture, Dubousquens était parti pour Saint-Domingue, d’où arriva un beau jour cette nouvelle : « Dubousquens se marie ! Dubousquens se marie ! »

Ces épousailles étaient au moins aussi inattendues que la déclaration à Thérésia de Fontenay.

On annonça son retour, et déjà la curiosité provinciale s’éveillait, essayant d’imaginer les qualités et les défauts de Mme Dubousquens ; déjà on préparait vœux et compliments, bals et festins, quand on vit le négociant revenir seul. Il apparut accablé, presque méconnaissable de visage et d’humeur.

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