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Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/191

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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


indignée contre Dodue et Montouroy que j’allais sortir de ma cachette, quand tout à coup elle se releva vivement.

— Immonde brute, dit-elle, est-ce que je t’ai appelé pour que tu baises mon visage, de ta bouche encore toute souillée ! Non, non, mon visage est à mon amant, et tu sais bien que tu ne l’es pas ! Est-ce que tu es capable d’ailleurs d’être un amant ? Vois toi-même, un eunuque paraîtrait plus un homme, et aurait des exigences moins insupportables ! Va-t-en ! Va-t-en, te dis-je ! Veux-tu partir, ou je prends le fouet !…

Et comme vaincu, humilié par cette colère, il se retirait, elle le rappela un instant.

— Et je te défends d’entrer chez Gatte, fit-elle. Cette fille est à moi, entends-tu ! Au surplus, je vais te mettre à la porte, car je ne suis pas sûr de toi.

Elle sortit un instant, appela des noirs, et j’entendis le bruit d’une dispute puis d’une porte qu’on fermait violemment.

— Eh bien, dit-elle en revenant vers moi, ne suis-je pas bien sa maîtresse ! Et croyez, chère madame, que je pourrais traiter comme Montouroy tous les hommes que vous venez de voir dans mon salon, qui m’attendent depuis une heure et ne se lassent pas de mon retard. Or ce sont les notables du Cap et de Saint-Domingue. Quant aux femmes, je sais bien qu’elles ne me reçoivent pas, mais si je le veux, si je l’exige de leurs maris et de leurs amants, elles m’ouvriront toutes grandes les portes de leurs mai-