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Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/61

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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE

Et comme nous le considérions avec effroi :

— Vous vous rappelez que Berchoux s’était marié contre son gré, et par ordre de Mme Du Plantier, continua-t-il. Cette malheureuse Jacqueline se plaignait de l’abandon où la laissait son mari ; or, voici ce que j’ai appris récemment. Berchoux et votre autre conducteur avaient les mœurs ordinaires des nègres musulmans ; ils délaissaient les femmes pour un commerce infâme. Et comme Jacqueline menaçait de les dénoncer, ils ont aidé le moulin à l’écraser, quand ils pouvaient si aisément arrêter les chevaux, empêcher que les tambours ne vinssent presser tout le corps. Sans eux, Jacqueline aurait eu le bras coupé, mais on aurait pu lui sauver la vie.

— Les misérables ! dis-je. Quand je pense que c’est Mme Du Plantier qui me les avait vendus et en me donnant les meilleurs renseignements ! Fiez-vous donc à vos amies.

— Cette bonne Mme Du Plantier ! reprit Mme de Létang avec un sifflement.

— C’est tout simple, dit l’abbé de La Pouyade. Avec ces nègres sodomites, elle craignait d’avoir des ennuis.

— Elle préférait que je les eusse à sa place.

— Et qu’allez-vous faire de ces deux nègres, madame ? demanda l’abbé. Les dénoncer au Conseil colonial ?

— Je vais bien les sangler ce soir… et j’espère qu’ils se corrigeront de ce vice exécrable, mais je vous prierais, monsieur l’abbé, et vous, ma chère