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Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/72

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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


seuse comme à un jeu énigmatique et insolite. Elle était si émue qu’elle tremblait et soupirait contre mon épaule, je me demande si c’était toujours de douleur. J’étais, je l’avoue, heureuse de son émotion, qui me gagnait peu à peu, bien que ses gestes plaisants d’abord, fussent devenus d’une brutalité trop égoïste. Tout à coup, elle eut un tressaillement, se détacha de mes bras, mit entre nous l’espace d’une personne, rabattit sa robe dérangée d’un geste modeste, et passa doucement la main sur son front.

— Je rêve, dit-elle.

Une lumière rouge qui venait de la galerie, éclairait devant nous les plantes bizarres et leur donnait une apparence humaine ; les cierges des sables, les aloès, les agas, les figuiers d’Inde, apparaissaient comme des virilités menaçantes.

À ce moment le balcon de bois qui entoure la galerie eut un craquement. Craignant d’être épiée, je détournai la tête. Oh ! la désagréable surprise. Zinga, appuyée sur la balustrade, se penchait vers nous et souriait. Dès qu’elle se vit découverte, elle fit une brusque volte-face et rentra dans la maison.

— Je me suis confiée à vous, ma chère, dit Mme de Létang, j’espère que vous ne tromperez pas ma bonne foi.

Je ne remarquai point aussitôt l’impertinence de ces paroles prononcées d’une voix toute nouvelle pour moi. Je répliquai sur un ton de tendre prière :

— Mon amie, défendez-moi auprès du gouverneur, je vous en aurai une obligation éternelle.