Page:Recherches asiatiques, ou Mémoires de la Société établie au Bengale, tome 1.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
151
sur un voyage au tibet.

indiquée pour son admission. Il apprit, à la porte de l’enceinte, que le jeune Lama prenoit sa récréation dans le jardin, où son amusement favori consistoit à courir de côté et d’autre. Comme, au Tibet, on étoit alors dans la saison la plus chaude de l’année, ses domestiques, pour qu’il jouît de la fraîcheur, avoient placé, dans un endroit parfaitement ombragé d’arbres, un siége composé de coussins, où il pouvoit se reposer après ses courses. Ce fut là que Pourounguyr le trouva, lorsqu’il fut mandé en sa présence. Il étoit environné du régent, de son père et de sa mère, de Soupoun Tchoumbou, l’échanson, et des principaux officiers de la cour. Après avoir fait trois salutations le plus loin qu’il fut possible, Pourounguyr s’approcha, et, suivant l’usage du Tibet, présenta au Lama une pièce de pelong blanc[1] : il remit ensuite les lettres et les présens dont il étoit chargé. On ouvrit aussitôt les paquets devant le Lama, qui se fit apporter chaque article, et les examina séparément un à un. Il prit la lettre qui lui étoit adressée, en rompit le cachet de sa propre main, et tirant de l’enveloppe un cordon de perles qu’elle renfermoit, les fit couler entre ses doigts, comme font les Tibétains en disant le chapelet ; puis, il mit le cordon à côté de lui d’un air fier, et ne permit à personne de le prendre, tant que Pourounguyr fut en sa présence. Pourounguyr dit que le jeune Lama fixoit sur lui des regards remplis de bienveillance et d’expression ; qu’il lui parla en langue tibétaine, et lui demanda s’il avoit éprouvé de grandes fatigues dans son voyage. L’entrevue dura plus d’une heure ; et pendant tout ce temps, le jeune Lama se tint fort tranquille, ne cherchant pas une seule fois à quitter son siége, et ne témoignant pas le moindre ennui de cette contrainte. On servit du thé à deux reprises ; et chaque fois le Lama en but une tasse. Lorsque Pourounguyr eut ordre de prendre congé, il s’approcha du Lama, et, s’inclinant devant lui, présenta sa tête nue pour recevoir sa bénédiction, qu’il lui donna en étendant la main et en la posant sur sa tête. Le Lama lui ordonna ensuite de venir le voir tous les jours, tant qu’il séjourneroit à Tichou-Loumbou.

  1. Voyez ma note 2 ci-dessus, p. 143. (L-s.)