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SUR LES DIEUX DE LA GRÈCE,

de son teint étoit bleu foncé, presque noir ; ce que signifie le mot Crichna. De là vient que la grande abeille de cette couleur lui est consacrée, et qu’on la peint souvent voltigeant sur sa tête. Cette teinte azurée, approchant du noir, est particulière à Vichnou, comme nous l’avons déjà remarqué ; et c’est pourquoi, dans le grand réservoir ou citerne de Cathmândoit, capitale du Népal (134), on voit une grande statue bien proportionnée, de marbre bleu, couchée et représentant Nârâyan qui flotte sur les eaux. Mais retournons aux actions de Crichna, qui n’étoit pas moins courageux qu’aimable. Dans son enfance, il tua le terrible serpent Kâliya, avec une multitude de géans et de monstres. Dans un âge plus avancé, il mit à mort son cruel ennemi Kansa ; et ayant pris sous sa protection le roi Youdhichthir (135) et les autres Pandous (136) qui avoient été très-opprimés par les Kourous (137) et leur chef tyrannique, il alluma la guerre qui est décrite dans le grand poème épique intitulé le Mahabharat (138) ; et l’ayant terminée avec gloire, il retourna dans son séjour céleste de Vaïcomha, après avoir laissé les instructions comprises dans le Guîtâ (139) à son inconsolable ami Ardjoun, dont le petit-fils parvint à la souveraineté de l’Inde.

Il est impossible de ne pas découvrir dans ce portrait, au premier coup-d’œil, les traits d’Apollon, surnommé, dans la Grèce, Nomios [le Pastoral], et Opifer en Italie, qui fit paître les troupeaux d’Admète et tua le serpent Python ; amoureux, beau et belliqueux. Le mot Gôvinda peut se rendre littéralement par Nomios ; de même que Césava est le même que Crinitus, ou à la belle chevelure : mais c’est aux étymologistes à déterminer si le mot gôpâla [berger] a du rapport avec Apollon. Le colonel Vallancey, dont les savantes recherches sur l’ancienne littérature de l’Irlande, sont du plus grand intérêt, m’assure qu’en irlandois, Crichna (140) signifie le Soleil ; et nous savons que les poètes latins regardoient Apollon et le Soleil comme étant le même dieu. Dans le fait, je penche à croire que les premiers idolâtres désignoient le feu solaire, non-seulement par Crichna ou Vichnou, mais même par