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NOTES.

barques battues par les vagues. Quand bien même seize lunes éclaireroient le firmament, on ne verroit point les.étoiles disparoître, si le soleil ne se levoit pas : ainsi le vice et l’erreur ne peuvent être dispersés sans la religion et l’humilité. Ô Guerhour, écoute l’histoire de ma vie, comme une preuve de ces vérités, et remarque les triste* effets de mon péché.

Lorsque Râm fut né à Ayodhyâ, je volai avec empressement au lieu de sa naissance ; je le servis pendant cinq ans avec assiduité, contemplant la beauté de ses traits, et recevant le bonheur de l’éclat de ses yeux. Il avoit coutume de rire quand j’approchois de lui, et de pleurer quand je m’éloignois : quelquefois il tâchoit de me saisir par les pieds, et il versoit des larmes si je m’envolois hors de sa portée. Se peut-il, me dis-je à moi-même, que cet enfant soit le maître de l’univers î Ainsi j’étois déçue par son illusion, et mon esprit étoit embarrassé de doutes : je devins triste et pensive ; mais le divin enfant rioit de mon affliction. Un jour il courut subitement pour me saisir ; mais, voyant son corps noir et ses pieds rougeâtres, je pris la fuite dans les airs avec une agitation inexprimable. Il étendit le bras ; et ît quelque hauteur que je m’élevasse, ce bras me poursuivit en gardant toujours la même distance. Dès que j’eus atteint le ciel de Brâhmah, je regardai eu arrière, et j’aperçus encore derrière moi le bras de Vichnou. Etonnée et stupéfaite, je fermai les yeux, comme ravie en extase ; et, en les ouvrant, je me trouvai près de la ville d’Ayodhyâ.

À mon retour dans le palais de Djesret, je renouvelai mon hommage à Râm : mais il se joua de ma confusion ; elle étoit si grande, que je volai dans sa bouche pendant qu’il rioit. Là je vis des milliers de cieux d’une splendeur infinie, des milliers de Rrâhmahs ef de Mahâdéos, des milliers de soleils, de lunes et d’étoiles, de dieux et de déesses, de râdjahs et de rànys ; et je contemplai avec admiration au-dessous de moi cette vaste terre ceinte de mers nombreuses, veinée de fleuves, couverte de forêts et peuplée d’animaux sans nombre. Je passai cent années complètes dans chaque ciel ; en les traversant tous, je fus éblouie de leurs gloires infinies et inexprimables : mais, par-tout où je dirigeois ma course, je voyois un être unique, Râm, le même enfant aimable dont l’idée étoit gravée dans mon esprit d’une manière indélébile.

Quand j’eus employé une période étonnante de siècles à ce voyage éthéré, je retournai dans mon habitation. Là j’appris que Râm s’étoit fait chair ; et volant au lieu de sa naissance, je jouis du ravissement de le contempler.