Aller au contenu

Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

un arbre même ? Ce n’est peut-être qu’une touffe d’herbe. Un cercle de cordages vous barre la route : simple toile d’araignée ! Un jour que le brouillard avait une faible épaisseur et que les rayons du soleil, transmis par les vapeurs, y faisaient poudroyer la lumière, je m’arrêtai, plein de stupeur et d’admiration, à la vue d’un arbre gigantesque tordant ses bras comme un athlète, au sommet d’un promontoire. Jamais je n’avais eu le bonheur de voir un arbre plus fort et mieux campé pour lutter héroïquement contre l’orage. Je le contemplai longtemps ; mais peu à peu je le vis qui semblait se rapprocher de moi et qui se rapetissait en même temps. Quand le soleil vainqueur eut dissipé la brume, le tronc superbe n’était plus qu’un maigre arbrisseau poussant dans la fissure d’un bloc voisin.

Le voyageur perdu, égaré dans le brouillard, au milieu des précipices et des torrents, se trouve dans une situation vraiment terrible : de toutes parts c’est le danger, c’est la mort. Il faut marcher et marcher vite pour atteindre, aussi vite que possible, le sol uni de la vallée ou les pentes faciles des pâturages, et rencon-