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Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/114

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LE BROUILLARD ET L’ORAGE.

voyer leur tonnerre. En même temps, on entend un bruit sourd qui monte des campagnes inférieures à travers les nuages tourbillonnants. C’est l’averse de pluie ou la chute de la grêle ; c’est le fracas des arbres qui se brisent, des rochers qui se fendent, des avalanches de pierres qui s’écroulent, des torrents qui se gonflent et mugissent en démolissant leurs berges ; mais tous ces fracas divers se confondent en s’élevant vers la montagne sereine. Là-haut, ce n’est plus qu’une plainte, un gémissement qui monte de la plaine où vivent les hommes.

Un jour que, assis sur une cime tranquille, dans le calme des cieux, je voyais un orage se tordre en fureur à la base de la montagne, je ne pus résister à cet appel qui semblait m’arriver du monde des humains. Je descendis pour m’engloutir dans la masse noire des vapeurs tournoyantes ; je plongeai pour ainsi dire au milieu de la foudre, sous la nappe des éclairs, dans les tourbillons de pluie et de grêle. Descendant par un sentier transformé en ruisseau, je bondissais de pierre en pierre. Exalté par la fureur des éléments, par l’éclat du ton-