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Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/128

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LES NEIGES.

on glisse par-dessus les avalanches, et l’on voit défiler à côté de soi, comme s’ils étaient emportés par une tempête, les cirques, les ravins, les promontoires ; les sommets eux-mêmes, qui fuient à l’horizon, semblent entraînés dans un tourbillon fantastique, une sorte de galop infernal. Et quand, à la fin de la course effrénée, on arrive à la base de la montagne, dans les plaines déjà dépourvues de neige ou saupoudrées à peine, quand on respire une autre atmosphère et que l’on voit une nature nouvelle sous un autre climat, on se demande si vraiment on n’a pas été le jouet d’une hallucination, si l’on a réellement parcouru les neiges profondes, au-dessus de la région des nuées et des orages.

Mais, pendant les jours de tourmente, la traversée est assez périlleuse pour que le voyageur puisse s’en souvenir, en garder nettement toutes les aventures dans sa mémoire. Le vent soulève incessamment des tourbillons de neige qui cachent la route et en modifient la forme, abaissant les talus et remplissant la voie déjà frayée. Les chevaux, si habiles à poser leur pied sur un terrain solide, ont