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Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/22

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LES SOMMETS ET LES VALLÉES.

supérieures et à la pointe baignée dans le ciel bleu. Là, sans avoir à réprimer ce mouvement d’orgueil que j’aurais ressenti malgré moi sur le point culminant de la montagne, je savourais le plaisir de satisfaire complètement mes regards à la vue de ce que neiges, rochers, forêts et pâturages m’offraient de beau. Je planais à mi-hauteur, entre les deux zones de la terre et du ciel, et je me sentais libre sans être isolé. Nulle part un plus doux sentiment de paix ne pénétrait mon cœur.

Mais c’est aussi une bien grande joie d’atteindre une haute cime dominant un horizon de pics, de vallées et de plaines ! Avec quelle volupté, avec quel ravissement des sens on contemple dans un tableau d’ensemble l’énorme édifice dont en occupe le faîte ! En bas, sur les pentes inférieures, on ne voyait qu’une partie de la montagne, au plus un seul versant ; mais, du sommet, on aperçoit toutes les croupes fuyant, de ressaut en ressaut et de contreforts en contrefort, jusqu’aux collines et aux promontoires de la base. On regarde d’égal à égaux les monts environnants ; comme eux on a la tête dans l’air pur et dans la lu-