Aller au contenu

Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
LES SOMMETS ET LES VALLÉES.

des plus gracieuses. Cette ligne sinueuse, qui réunit les sommets de la grande cime à la plaine, est la véritable pente. C’est le chemin que prendrait un géant chaussé de bottes magiques.

La montagne qui m’abrita longtemps est belle et sereine entre toutes par le calme régulier de ses traits. Des plus hauts pâturages, on aperçoit la grande cime, dressée comme une pyramide aux gradins inégaux ; des plaques de neige, qui en remplissent les anfractuosités, lui donnent une teinte sombre et presque noire par le contraste de leur blancheur ; mais le vert des gazons qui recouvre au loin toutes les cimes secondaires apparaît d’autant plus doux au regard, et les yeux, en redescendant de la masse énorme à l’aspect formidable, se reposent avec volupté sur les molles ondulations des pâtis ; elles sont si gracieuses de contours, si veloutées d’aspect, que l’on songe involontairement à la joie qu’aurait un géant à les caresser de la main. Plus bas, des pentes brusques, des saillies de rochers et des contreforts revêtus de forêts me cachent en grande partie les flancs de la montagne ;