Aller au contenu

Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

tombés forment une butte, un monticule ou même une montagne secondaire.

Une cime, d’ailleurs élevée, que j’aimais à gravir à cause de son isolement et de la fière beauté de ses arêtes, m’avait toujours paru, comme le grand sommet lui-même, être une roche indépendante, tenant par ses assises profondes à la terre sous-jacente ; ce n’était pourtant qu’un pan détaché de la montagne voisine. Je le reconnus un jour à la position des couches et à l’aspect des plans de brisure encore visibles sur les deux parois correspondantes. La masse écroulée qui portait des hameaux et des champs, des bois et des pâturages, n’avait eu, après la rupture, qu’à pivoter sur sa base et à se renverser sur elle-même. Une de ses faces s’était enfoncée dans le sol, tandis que de l’autre côté elle s’était partiellement déracinée. Dans sa chute, elle avait fermé l’issue de toute une vallée, et le torrent qui, jadis, coulait paisiblement dans le fond, avait dû se transformer en lac, pour combler le cirque dans lequel il était enfermé et d’où il redescend aujourd’hui par une succession de rapides et de cascades. Sans doute ces