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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome III, Librairie universelle, 1905.djvu/204

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l’homme et la terre. — inde

stères et de stoupa, le propagandiste zélé qui envoyait les apôtres de la foi nouvelle vers toutes les contrées des alentours. À l’est de Takchasila, le chemin de l’armée macédonienne rencontre le fleuve Hydaspes ou Djelam (Djhilam), mais sur ses bords les archéologues n’ont que l’embarras du choix pour désigner, d’après leur interprétation des auteurs, les emplacements probables des villes de Nicée, bâtie à la gloire d’Alexandre, et de Bucéphale, érigée en souvenir de son cheval. Ensuite l’armée macédonienne traversa successivement deux autres des « Cinq rivières », l’Acesines ou Tchinab, l’Hydraotes ou Ravi, puis s’arrêta devant les flots de l’Hyphasis ou Bias, où l’on dressa douze autels pour commémorer à jamais ses victoires ; il est probable que le fleuve errant démolit ces monuments dans une inondation, car on n’en retrouve aucun débris.

Sans avoir dépassé la contrée de l’Inde déjà connue des Persans, les Macédoniens rapportaient du moins un itinéraire assez précis qui permettait de fixer approximativement quelques points géographiques. À cet égard le retour fut encore plus instructif. S’embarquant sur le Hydaspes dont le courant, rejoignant en aval celui de l’Indus, porta le conquérant jusque dans le voisinage de la mer, Alexandre employa neuf mois entiers pour un voyage que l’on pourrait accomplir en quinze jours, mais deux corps d’armée l’accompagnaient par terre, l’un à droite, l’autre à gauche, et de temps en temps il descendait pour guerroyer contre les populations qui ne se soumettaient pas au passage. Arrivé à la tête du delta fluvial, il explora successivement les deux bras principaux jusqu’à la mer, pour aller contempler l’Océan Indien et assister au phénomène, redoutable pour lui, de la marée, car le courant de flux causa de graves avaries à plusieurs de ses embarcations. Avant de descendre l’Indus, Alexandre se faisait une idée si confuse de la géographie des pays traversés qu’il croyait voir dans le fleuve indien une branche du Nil, et cela parce que des crocodiles vivaient dans l’un et dans l’autre cours d’eau. Il est à présumer que le grand Aristote ne doit pas être tenu pour responsable de cette crasse ignorance de son pupille, car lui du moins savait que, deux siècles auparavant, Scylax de Caryanda, sur l’ordre de Darius, avait descendu le fleuve Indus et navigué sur la mer Rouge[1].

  1. Hérodote, Histoires, IV, 44.