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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome III, Librairie universelle, 1905.djvu/377

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conquêtes de clovis

régime antérieur ; on ne voit point qu’il se soit révolté contre les nouveaux maîtres. La fusion ne se fit que très lentement entre vainqueurs et vaincus.

Le roi mérovingien n’avait d’ailleurs aucune idée d’une certaine
Bibl. des Beaux-Arts.
fragments du tombeau de clovis
abbaye de sainte-geneviève

D’après A. Lenoir.
unité nationale pour l’ensemble des régions occupées. Ce n’était pour lui qu’un prodigieux butin, et lorsqu’il mourut, il le partagea comme un trésor d’étoffes et de monnaies entre ses enfants. Les divisions se faisaient même par le tirage au sort, et de la façon la plus bizarre, en comptant les villes une à une sans en connaître l’importance respective ni les rapports économiques et politiques naturels. Ainsi, lors du partage de 561 entre les quatre fils de Clothaire, Marseille fut coupée en deux, la ville de Soissons, capitale de la Neustrie, se trouva bloquée, pour ainsi dire, entre quatre villes, Senlis et Meaux, Laon et Reims, qui appartenaient, les deux premières au royaume de Paris, les deux autres à l’Austrasie[1]. Les lots étaient si étrangement entremêlés que les soulèvements et les guerres furent indispensables pour les distribuer à nouveau d’une manière plus logique : les serments les plus sacrés devenaient forcément des parjures. C’est donc grâce au tassement produit par de continuelles révolutions qu’un certain ordre géographique et démographique s’introduisit dans le chaos des hommes et des choses : en dépit des partages, les monarchies franques de l’Austrasie — Oster-Rike ou royaume d’Orient —, de la Neustrie — Neoster-Rike ou royaume d’Occident — travaillaient sans cesse à s’équilibrer conformément aux langues : d’un côté l’allemand, de l’autre le roman, de formation latine, contrastaient dès leur origine et précisaient ce contraste de règne en règne.

  1. Augustin Thierry, Récits des Temps Mérovingiens.