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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/196

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l’homme et la terre. — mongols, turcs, tartares et chinois

dans la péninsule transgangétique sous des appellations analogues.

Dans l’Indo-Chine, où la conversion s’était faite de proche en proche, à la fois par terre et par mer et sur mille points de la frontière commune, la religion du Buddha put s’enraciner très fortement et, par l’intermédiaire des Malais, les grands trafiquants de l’Insulinde, elle succéda au brahmanisme comme le culte par excellence des civilisateurs hindous. On sait que la puissante nation des Khmer, ancêtres des Cambodgiens actuels, subit plus que tous les autres peuples de la péninsule transgangétique cette influence de l’Inde, et les admirables ruines d’Angkor Wat témoignent par leurs mille sculptures de la prise que la « Grande Doctrine » apportée par le Buddha eut sur les imaginations, en se mélangeant d’abord avec la végétation luxuriante des cultes de la trimourtie. La première inscription bouddhique de ce temple khmer daterait, dit-on, de l’an 667.

Pendant les siècles correspondant au moyen âge européen, la nation la plus puissante d’Indo-Chine paraît avoir été celle des Tchames (Tsiam), apparentée aux Khmer et, comme eux, fortement imprégnée de l’influence hindoue. Le pays des Tchames ou royaume de Tchampa, qu’au treizième siècle encore Marco Polo appelle « la grant contrée de Cyamba », le Tchen ching des Chinois dont les Européens ont fait Cochinchine, s’étendait, au quatrième siècle de l’ère vulgaire, du Tonkin au Cambodge, mais il eut bientôt à faire aux conquérants du Nord et, pendant onze cents années, jusqu’au quinzième siècle, lutta pied à pied contre les envahisseurs chinois ; refoulés peu à peu du Tonkin dans l’Annam actuel, puis dans les provinces du Sud, les Tchames résistèrent avec une singulière persévérance, et peut-être même se seraient-ils maintenus dans les pays méridionaux si le centre d’attaque, très éloigné lorsqu’il se trouvait dans la Chine proprement dite, ne s’était transféré dans le royaume d’Annam, séparé politiquement de la Chine, quoique acquis en entier à son génie et à ses mœurs[1]. Depuis le seizième siècle, ces Tchames ont été graduellement réduits en même temps que transformés par les croisements ; on n’en compte plus actuellement qu’une centaine de mille, sans compter les métis, dispersés par petits groupes sur un territoire presque aussi vaste que la France.

On constate aussi d’autres vestiges de la pénétration hindoue dans la

  1. E. Aymonier, The History of Tchampa.