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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/234

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l’homme et la terre. — mongols, turcs, tartares et chinois

suivre dans obscurité, on lui attache de petites sonnettes aux pattes et à la queue. L’art de la fauconnerie est tellement répandu en Turkestan que les pauvres aussi bien que les riches emploient le faucon comme auxiliaire de chasse. Les enfants, dès le plus bas âge, apprennent à faire chasser le corbeau et à répéter avec lui les exercices qu’ils pratiqueront plus tard avec le faucon et autres rapaces plus nobles. C’est de la Mongolie et du Turkestan que la fauconnerie se répandit sur tout le centre de l’Asie, dans l’Inde, dans le nord de l’Afrique, en pays musulmans et jadis on Europe. Les seigneurs féodaux, revenus des croisades, aimaient fort à faire montre de leur adresse dans ce divertissement élégant et cruel, mais après l’invention du fusil, le faucon chasseur a disparu comme l’archer.

Maîtres de la Perse, les Mongols avaient également poussé jusque dans l’Inde ; mais la grande distance, les déserts sans eau, les âpres montagnes, enfin les populations grossières des plateaux et des hautes vallées retardèrent la conquête définitive de la Péninsule, et les prétendus Mongols qui s’en emparèrent plus tard ne l’étaient d’ailleurs que par l’orgueil de la descendance. La route de terre, coupée d’obstacles naturels et défendue par les redoutables Afghans, restait souvent désertée par les marchands ; mais, grâce aux matelots arabes, un mouvement commercial non interrompu rattachait par mer les plaines de la Mésopotamie et la frange du littoral persan aux rivages du monde indien. Toutefois la grande escale du trafic se déplaçait fréquemment, suivant les faits de guerre et les vicissitudes locales.

Au cinquième siècle, les navires se donnaient rendez-vous à l’embouchure de l’Euphrate, et même remontaient plus haut ; Massudi raconte que, chaque année, des jonques chinoises ancraient en rivière ; elles venaient charger les matières précieuses de la Perse et de l’Arabie en échange des trésors de l’Extrême Orient. Lors de l’expansion du mahométisme, au neuvième siècle, l’emporium du grand commerce se trouvait reporté à la porte d’entrée de la mer Persique ; c’était la ville puissante de Siraf[1], s’élevant à l’endroit occupé de nos jours par le village de Tcharak. Puis, un changement politique déplaça la foire maritime au profit de l’île Kaïs (Qaïs, Kich, Geïs), située au sud-ouest, à seize ou dix-sept kilomètres de la côte persane. Au commencement du treizième siècle, Siraf était presque dépeuplée, et sur la rive septentrionale

  1. Voir Carte n° 366, p. 259, au chapitre suivant, pour remplacement de ces villes.