Aller au contenu

Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
235
terres mythiques de l’atlantique

de départ indiqué pour les futures découvertes ? C’est là que les marins génois, peut-être aussi quelques Vénitiens, allaient offrir leurs services au roi de Portugal pour le trafic avec les Flandres et l’Angleterre, ainsi que pour les voyages de découverte vers l’Afrique et ses îles. A la fin du treizième siècle, c’était un Génois, Pezagno, qui servait le roi Diniz, le « Bon laboureur », comme grand-amiral du royaume. Déjà une couple de siècles avant Colomb, deux galères génoises, équipées aux frais d’un Doria et des frères Vivaldi, avaient cinglé vers les Indes par la voie de l’Occident, mais elles n’étaient pas revenues : d’après d’Avezac, c’est en 1270, ou dans une année voisine de cette date, qu’aurait eu lieu le funeste voyage.

En 1484 un autre aventurier génois était à Lisbonne cherchant fortune. C’était un marin habile, ayant couru les régions lointaines : il connaissait les mers du Levant, celles des Canaries et même de la Guinée ; il avait vu l’Angleterre et poussé jusqu’en Islande. Ce qu’il se proposait maintenant de faire, c’était de voguer directement vers les Indes en cinglant à l’Ouest suivant la marche du soleil. « Puisque la terre est ronde », disait-il avec Pythagore et Aristote, avec tous les savants de l’époque et avec les cartographes qui construisaient des sphères célestes, « puisque la terre est ronde, il est tout naturel de cingler sur sa rondeur à travers les flots de l’Océan Atlantique. En suivant cette voie, les navires atteindront immanquablement les rivages orientaux de l’Asie. Le tout est de savoir si les distances sont telles qu’elles soient infranchissables à une expédition équipée pour un ou deux mois de voyage ».

Or, à cette époque préparatoire des grandes découvertes, il y avait parmi les humanistes deux opinions bien différentes sur la grandeur réelle de la Terre : l’une, qui s’appuyait sur la puissante autorité d’Eratosthènes, donnait à la circonférence terrestre un développement de 252 000 stades, supérieur d’un septième environ aux dimensions réelles de la planète ; le chiffre qu’avait obtenu l’Alexandrin donne, traduit en mesures actuelles, 46 000 kilomètres, si l’on admet — ce qui semble indiscutable — qu’il calculait en stades attiques[1]. L’autre opinion, fondée sur les mesures qui avaient été faites dans les plaines de l’Euphrate par les soins d’Al-Mamun, évaluait à une distance trop courte d’un sixième la longueur du pourtour planétaire, et le marin génois s’en

  1. E. H. Bunbury, History of ancient géography, I. p. 622. — Le stade attique a 185 m. environ ; le stade d’Eratosthènes repose sur une erreur de commentateurs.