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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/348

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l’homme et la terre. — la renaissance

des territoires dont les habitants eussent volontiers continué leurs transactions pacifiques des anciens temps, si les tsars de Russie ne les avaient eux-mêmes rendues impossibles.

Tandis que la haute banque chrétienne de l’Allemagne, plus prédatrice que ne l’avaient été les Juifs espagnols, préparait la sujétion et la ruine définitive des habitants de la péninsule Ibérique, les guerres d’expansion politique à l’extérieur continuaient sans trêve. On comprend que éternelle bataille, ayant été pendant sept siècles l’état normal des populations, ne pouvait cesser brusquement. Vainqueurs des Maures, maîtres de tout le sol des aïeux entre les Pyrénées et le détroit, les Espagnols devaient, en vertu de l’hérédité, chercher à dépenser ailleurs leur excédent de force. Les plus hardis parmi les batailleurs et les aventuriers voyaient le Nouveau Monde s’ouvrir devant eux, mais ces terres de miracle, dont on raconta bientôt des merveilles, se trouvaient fort éloignées ; les navires en partance, dont quelques-uns fuyaient en secret, inconnus du fisc, étaient peu nombreux et les expéditions fort coûteuses, les souverains unis de Castille et d’Aragon, très avares de leurs deniers, ne voulaient risquer de grands trésors en vue de ces conquêtes lointaines, aux résultats encore incertains. De même, ils ne s’engageaient qu’avec prudence sur le littoral d’Afrique, dont l’intérieur ne leur était que vaguement connu ; mais, très avides des richesses qu’ils voyaient à leur portée, ils se ruèrent sur les îles de la Méditerranée et sur l’Italie méridionale : de ce côté ils poussèrent à fond, non simplement par amour des aventures et du plaisir, comme les Français de Charles VIII, mais en gens pratiques, très décidés à garder les riches contrées dont ils avaient acquis la possession. Parmi les maisons royales de toute origine qui se sont succédé dans la domination de Naples, il n’en est pas qui ait eu la solidité de celle d’Aragon : elle croyait à sa force. A Naples, le roi Ferrante était un maître absolu, un vrai roi-soleil, plus âpre, plus tragique, moins majestueux, il est vrai, que le fut plus tard Louis XIV. « Nous croyons à un seul Dieu dans sa gloire, nous ne voyons qu’un soleil dans les cieux, et nous adorons un roi sur la terre », disait Giuniano Maio dans son livre De Majestate,

Et cet orgueil espagnol, à la fois aragonais et castillan, semblait justifié par le succès et par cette valeur militaire à laquelle, aux époques troublées, on attache la première importance. Partout où se présentait la solide infanterie espagnole, c’était pour remporter des victoires. La guerre,