Aller au contenu

Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
328
l’homme et la terre. — réforme et compagnie de jésus

abandonner l’étole et le goupillon : il resta curé, sachant bien que sous le vêtement sévère du pasteur calviniste il eût été plus ridicule encore. Au siècle de la Réforme, lorsque l’évolution religieuse fut assez puissante dans la Grande Bretagne et dans les pays germaniques pour changer la forme extérieure du culte et donner aux chrétiens une nouvelle ardeur, les éléments de ce renouveau de foi dans l’au delà ne furent pas suffisants en France pour que le protestantisme y prît une force comparable à celle qui se manifesta dans l’Est et dans le Nord : la poussée de l’élan spontané manqua.

Dans l’ensemble, si l’on considère le protestantisme en soi, sans les mille circonstances extérieures auxquelles il a dû s’accommoder, il faut bien y voir un retour vers les origines, une tentative de la part des chrétiens d’aller s’abreuver aux sources mêmes de la vie, de boire à cette fontaine vive qui s’épanche aux pieds de Jésus-Christ, et qui, depuis, fut si bien canalisée, voûtée et mêlée aux flots les plus divers par les papes et les conciles. Toute révolution commence, dans la pensée de ses auteurs, par une simple réformation. Les premiers chrétiens avaient voulu revenir à la simplicité des anciens Hébreux, de même les premiers protestants cherchaient à remonter au temps de l’Évangile ; bien plus, acceptant dévotement la tradition qui donnait aux deux « Testaments » des saintes Écritures une même valeur, puisque les paroles en sont également inspirées par Dieu, ils aspiraient à rétablir l’ « ancienne alliance », le pacte consenti par l’Eternel avec ses serviteurs Samuel, Moïse et le père Abraham : tout progrès, et à certains égards le protestantisme doit être certainement qualifié de tel, tout progrès commence par un mouvement de recul vers le passé.

Il ne faut pas croire que ce retour de la volonté religieuse vers les temps si lointains de l’antiquité judaïque soit resté sans conséquences matérielles, sans réaction efficace sur la civilisation protestante. L’influence de la Bible sur la culture moderne est beaucoup plus forte que l’on n’est porté d’ordinaire à se l’imaginer. Le précepte du livre, « Sondez les Écritures », pris dans le sens de l’étude personnelle des choses saintes sans l’aide de pasteurs, entra dans la conscience du protestant, et des millions d’hommes en Allemagne, dans les Pays Bas et en Scandinavie, dans les îles Britanniques et dans la Nouvelle Angleterre, dans les montagnes féveroles et en d’autres districts de la France huguenote, se vouèrent à la lecture unique de la « Parole de Dieu », en