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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/398

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l’homme et la terre. — réforme et compagnie de jésus

Loyola, d’après le château où il naquit, en 1491, fut le contemporain des réformateurs et, comme tel, sentit gronder en lui le premier flot de la colère. Ayant été grièvement blessé à la défense de Pampelune, il consacra ses armes à la Vierge Marie, jurant de se faire désormais non le champion d’un roi mais le chevalier de la Reine des cieux. Puis il distribua ses biens et commença le combat spirituel en Palestine, à Rome, à Paris, où il rencontra Lainez et autres avec lesquels il discuta les principes de l’ordre qu’il voulait fonder. Depuis plusieurs années déjà, les jésuites avaient préparé leur œuvre, lorsqu’en 1540 l’ordre fut définitivement institué. Loyola, général de la Société, en fut aussi le plus humble serviteur, se vouant à l’éducation des enfants et à la collecte des aumônes.

Aux trois vœux des autres moines, pauvreté, chasteté, obéissance, les élèves de Loyola en ajoutaient un quatrième, celui de « consacrer leur vie au service constant du Christ et des souverains pontifes, de servir comme guerriers sous la bannière de la croix, de n’obéir qu’au Seigneur et à son représentant sur la terre et d’accomplir aussitôt sans hésitation ni récrimination tout ce que les papes leur ordonneraient pour le salut des âmes et pour la propagation de la foi, quelle que fût la contrée où ils seraient envoyés ». Les papes, qui voyaient alors des nations entières abandonner la foi catholique, accueillirent avec enthousiasme la nouvelle troupe qui se livrait à eux corps et âme, et lui assurèrent tous les privilèges qu’il leur était possible de concéder, même ceux qui ne dépendaient que des souverains temporels. Dès leur origine, les jésuites eurent à la fois les droits du religieux et ceux du prêtre : ils étaient déclarés indépendants de l’évêque et du fisc ; en dehors du pape et du général de leur ordre, ils ne reconnaissaient aucun supérieur, ils recevaient le pouvoir de lier et de délier, de pardonner les péchés, de modifier la teneur des vœux d’abstinence, de se placer au-dessus des obligations imposées à tous les autres religieux ou prêtres et de se parer des titres académiques non obtenus par la voie régulière : en un mot, ils pouvaient changer le mal en bien, le mensonge en vérité, et réciproquement.

Considéré dans son ensemble et d’une manière générale, l’ordre des jésuites, qui se recruta toujours avec une extrême circonspection, comprit que la vraie méthode de défense était d’attaquer. Dans les contrées où la foi catholique n’avait pas été ébranlée, comme en Espagne et dans quelques autres parties de l’Europe occidentale, cette politique d’agression était facile, puisqu’il suffisait de maintenir les tribunaux d’inquisi-