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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/436

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l’homme et la terre. — colonies

réussissant à maintenir le souffle quand même en des pays si froids, si âpres et privés de toutes ressources. Sous les latitudes tempérées, où le ciel est plus doux, diverses régions sont défavorables à l’homme, soit à cause de leurs côtes basses et de leurs marais difficiles à franchir, telles les flèches littorales et les vasières des Carolines, soit à cause de leurs lacs, qui transforment toute la contrée en un labyrinthe, comme certaines parties du Canada, du Michigan, du Wisconsin, ou bien encore par l’épaisseur des forêts, où manque toute variété renouvelant le cours des travaux et les habitudes de la pensée, comme presque tout le territoire Laurentin. Et les grandes plaines de l’Ouest, presque sans eau, pouvaient-elles être guère habitées par d’autres que des chasseurs nomades ? Et les plateaux salins ou neigeux des Rocheuses ! Rares étaient les oasis où parvenaient à se blottir les peuplades éparses, incapables de s’installer quelque part en un groupe formant une nation.

Ainsi qu’en témoigne une carte de la densité actuelle de la population, c’est au tiers environ des États-Unis que l’on peut évaluer la surface des diverses régions où les habitants jouissaient de conditions telluriques et climatiques favorables à leur développement, à condition toutefois qu’ils ne fussent pas en état de guerre incessante et que leur activité ne consistât pas à s’exterminer mutuellement. Parmi les peuplades de Peaux Rouges, les plus heureuses paraissent avoir été celles qui vivaient au bord des estuaires poissonneux, tandis que les chasseurs, à l’étroit dans leurs forêts où la part de nourriture nécessaire à l’homme représente un grand domaine de vénerie, entraient souvent en lutte sur les confins de leurs territoires respectifs. Les tueries, les destructions de campements et les migrations lointaines, entraînant toujours avec la déperdition de forces un recul de la civilisation, étaient les événements les plus communs de l’histoire précolombienne ; cependant maintes institutions locales, sauvées du naufrage de la race, de même que les discours, les proverbes et les chants, nous montrent que l’esprit des indigènes s’était élevé à une grande hauteur de pensée et qu’il avait acquis une rare profondeur dans la connaissance des passions. À ce point de vue, nul groupe ethnique n’est plus intéressant que celui auquel les sociologues nord-américains ont donné le nom d’ « Amérindiens », peu agréable à prononcer et, par cela même, condamné sans doute à ne pas entrer définitivement dans la langue scientifique.

Dans le continent septentrional du Nouveau Monde, la civilisation la