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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/533

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révolution d’angleterre

réfugier en France auprès de son modèle, le « Grand roi ». Il est intéressant de remarquer que ce changement de dynastie porte, dans l’histoire d’Angleterre, le nom de Révolution de 1689 — l’avènement du nouveau roi et la « déclaration des droits » datent en réalité de février 1688, l’année commençant alors le 25 mars —. Dans l’esprit des classes bourgeoises, la guerre civile, la mort de Charles Ier et le Commonwealth ne constituèrent qu’une sorte d’épisode préparatoire à leur prise de possession du pouvoir.

Guillaume III, pleinement réconcilié avec le Parlement, qui retrouvait avec la nouvelle branche royale l’exercice incontesté de ses anciens droits, fut bientôt assez fort pour devenir le chef des alliés contre Louis XIV. Sa belle-sœur, Anne, proclamée reine à son tour (1702), représente une période de la Grande-Bretagne encore plus triomphante au point de vue militaire, puisque les victoires de Blenheim, Ramillies, Audenarde, Malplaquet, remportées par son général Marlborough, se succédèrent sous son règne. Le traité d’Utrecht (1713) assura la haute position de l’Angleterre dans les conseils de l’Europe et accrut en d’énormes proportions son empire colonial aux dépens de la France : il lui donna la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et les mers voisines ; il lui assura également la possession du rocher de Gibraltar, insulte permanente au peuple d’Espagne, et, précieux avantage pour une nation de marchands, il lui accorda le droit exclusif de l’importation des nègres, au nombre de 4 800 par an, dans les Antilles espagnoles. L’Angleterre avait conquis le monopole du commerce de chair humaine.

À cette époque, l’histoire de l’Angleterre et celle de la France présentaient un remarquable parallélisme dans les vicissitudes dynastiques dont le contre-coup se répercutait dans tout l’organisme du grand corps politique. Tandis que la mort de la reine Anne (1714) plaçait sur le trône de la Grande-Bretagne la famille allemande des George de Hanovre, la fin de Louis XIV (1715), dont l’arrière-petit-fils Louis XV n’était qu’un enfant, amenait l’intervention redoutée du Parlement et la nomination d’un régent de France, le Duc d’Orléans, que précisément le roi défunt eût voulu écarter du pouvoir.

L’Allemagne, que les guerres entre catholiques et réformés avaient partagée en de nombreux États et principautés poursuivant leurs ambitions particulières, même en s’appuyant sur l’étranger, se remettait lentement de l’effroyable guerre de Trente ans. L’antagonisme