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Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome IV, Librairie universelle, 1905.djvu/62

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l’homme et la terre. — les communes

date de 1294 : à cette époque, le vaisseau le Saint-Nicolas, de Messine, avait à bord deux « calamites » ou « aiguilles de mer », avec leur appareil[1]. La légende d’un prétendu inventeur de la boussole, natif d’Amalfi, ne repose sur aucun document de l’époque et s’explique par une méprise de commentateurs modernes.

Frédéric II, vivant en prince oriental dans sa ville napolitaine de Lucera, dont il avait fait une industrieuse cité sarrasine, affectait un genre de vie qui devait en faire un véritable monstre aux yeux des chrétiens fanatiques. Un éléphant portait son étendard impérial, symbolisant ainsi le monde étranger à l’Europe, duquel il se réclamait. Malgré les ressources considérables que lui valaient ses domaines méditerranéens, il se trouvait en des conditions très difficiles, d’autant plus que son empire était géographiquement scindé ; sa résidence dans l’Italie méridionale se trouvait beaucoup trop en dehors du centre naturel de l’empire pour que la désorganisation ne se mit pas dans l’ensemble du grand corps : Rome et les villes lombardes que l’empereur allemand rencontrait sur son chemin s’ajoutaient souvent au multiple rempart des Alpes pour empêcher ou retarder sa marche. Le monde germanique et son maître officiel étaient si éloignés l’un de l’autre que les populations allemandes apprirent à se passer de leur gouvernement, et les cités commerçantes en profitèrent avec le plus grand zèle pour assurer leurs franchises et la liberté de leurs relations entre elles. Mais il était impossible que par contre coup l’empereur ne subît affront ou dommage. En effet, après la défaite et la mort de Frédéric II (1350), la race des Hohenstaufen, condamnée dans ses représentants à la vie d’aventures, finit par s’éteindre misérablement, et le pape, victorieux dans une lutte qui durait depuis deux cents ans et voulant extirper l’hérésie qu’avaient tolérée les princes allemands, confia la domination des « Deux-Siciles » à l’âpre et mauvais Charles d’Anjou : il attendait de ce roi des services analogues à ceux que son oncle, le monarque français, avait déjà rendus lors de l’écrasement des Albigeois.

Les anciennes provinces latinisées de la Gaule méridionale, de Marseille à Toulouse, moins souvent parcourues par les barbares que les plaines du Nord, s’étaient assez bien défendues contre les brutalités

  1. Ch. de la Roncière, Un Inventaire de Bord en 1294, Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, 1897.