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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/188

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l’homme et la terre. — peuplés attardés

beau qu’il avait choisi pour résidence pendant ses fouilles des pyramides de Gizeh[1]. Les bourgeois de Chuster, dans l’antique pays d’Elam, comprennent aussi ces jouissances, puisque leurs maisons sont toutes pourvues de caves creusées dans les conglomérats d’anciens cailloux roulés apportés des montagnes du Zagros : c’est dans ces cavernes artificielles, dont quelques-unes descendent jusqu’à vingt mètres au-dessous des édifices bâtis, que les familles passent leurs étés.

Dans tous les pays du monde, même les plus accommodés aux formes de la civilisation moderne, quelques troglodytes ont maintenu, en le modifiant suivant les nécessités de la civilisation du temps et du lieu, l’ancien mode d’habitation. En 1890, l’Italie avait encore environ cent mille troglodytes, habitant plus de 37 000 souterrains.

En France, notamment dans les collines calcaires qui bordent la Garonne, la Dordogne, la Loire et leurs affluents, il existe de véritables villages occupant des grottes naturelles ou artificielles. Mais ces troglodytes n’en sont pas réduits à l’abri grossier que leur offrait la terre et s’occupent soigneusement de modeler et d’aménager leurs habitations, pourvues de meubles nécessaires, même de pendules, de livres et de gravures. Les lieux choisis pour les villages souterrains sont presque partout des falaises de tuf peu élevées longeant les ruisseaux et regardant vers le soleil du midi. Certaines communes, notamment le long du Loir, ont encore plus d’habitants des caves que de gens vivant en des maisons de plein air, et leurs demeures l’emportent en confort sur des millions d’édifices construits à la surface du sol[2].

Tel est le village des Roches, près de Montoire, dont les chambres, les caves, les écuries sont mieux entretenues que mainte habitation moderne des alentours : même une église, aujourd’hui délabrée, avait été évidée dans le roc. L’ornementation a sa grande part en ces grottes artificielles : des sculptures romanes, gothiques, de la Renaissance racontent aux archéologues l’âge des travaux d’excavation.

Le mamelon du Trôo, à six kilomètres en aval de Montoire, possède, comme les Roches, de nombreuses habitations souterraines, mais de plus il constitue un ensemble complet par les galeries qui relient

  1. Ten Years’ Digging in Egypt, p. 12.
  2. Capitan, Revue de l’Ecole d’Anthropologie.