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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/336

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l’homme et la terre. — divisions et rythme de l’histoire

l’Ouest, coupant de nouveau le monde en deux. Et c’est là ce qui se produisit à maintes reprises.

Souvent, et jusque dans le courant du dix-neuvième siècle, Afghans et Turkmènes arrêtèrent des armées au passage ; plus souvent encore celles-ci ne se hasardèrent qu’à l’entrée des gorges, craignant le long et âpre chemin en des contrées redoutables, sans gîtes de repos et d’approvisionnement. Pour traverser ces formidables barrières, il fallait aux Darius et aux Alexandre, aux Mahmud, aux Bâber et aux Akhbar toutes les ressources en armées et en argent de puissants empires. Encore de nos jours, les régions montagneuses de la ligne de partage opposent de très grands obstacles au transit, en dépit des routes d’accès, des caravansérails et des ports de refuge.

En adoptant cette manière de voir, on établit nettement pour toutes les étendues terrestres le sens général des expressions Est et Ouest. Du côté oriental, toute la partie de l’Asie qui s’incline vers la mer des Indes proprement dite et vers le Pacifique se continue par les grandes îles et les archipels qui parsèment la vaste surface des eaux presque jusqu’aux rivages de l’Amérique. Du côté occidental, les péninsules antérieures de l’Asie et les bassins de la Caspienne et de l’Ob’ s’ajoutent à l’Europe, à tout le monde méditerranéen, au continent africain, et par delà l’Atlantique embrassent les terres américaines. Car ce double continent qui regarde vers l’est par ses estuaires, par les vallées de ses grands fleuves et les pentes de ses plaines fécondes appartient incontestablement, aussi bien sous le rapport de l’histoire que par son orientation géographique, au cosmos européen. Il restera tourné vers l’Europe aussi longtemps que la grande porte de Panama ne sera pas largement ouverte pour donner toute leur initiative de commerce à Valparaiso, à Callao, à San-Francisco.

Certainement la plupart des nations et des tribus, restées longtemps séparées les unes des autres en humanités distinctes, poursuivaient leur existence sans avoir la moindre notion de cette différenciation entre Orient et Occident ; mais dès les premiers âges où les grands peuples de l’Ancien Monde prirent conscience de leur histoire, ils connurent la valeur du faîte qui sépare les deux versants. L’évolution humaine s’accomplit différemment des deux côtés, et chaque siècle dut accroître la divergence originaire de cette évolution, gravitant ici vers la grande mer, et là vers le bassin de la Méditerranée. Laquelle de ces