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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/428

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l’homme et la terre. — iranie

avec les idiomes turcs : cette langue était le parler populaire (mède ? néo-anzanite ?) qui, représentant la tradition, reçut en conséquence un rang d’honneur avant le babylonien, suivi à son tour de l’égyptien dans les édits quadrilingues[1]. En deux endroits de l’ancienne Médie, mentionnés par Spiegel[2], les explorateurs ont signalé des inscriptions en une seule langue, certainement touranienne, dit-on, que parlaient les anciens habitants du pays dominé par les conquérants aryens.

Les savants ne sauraient encore se hasarder à dire dans quelle proportion les deux éléments ethniques se trouvaient représentés dans le mélange des populations de la Médie, quoique le fait de la communauté d’origine entre nos langues de l’Europe occidentale et le parler aryen des Perses nous porte, par un instinct naturel d’égoïsme, à donner aux Aryens de l’Iran un rôle prépondérant au point de vue numérique aussi bien que politique, et à placer volontiers au premier rang les Perses proprement dits.

Du reste, la lutte, ayant cessé entre les peuples, puis entre les langues, n’en continua pas moins sur un autre terrain et particulièrement quant au mode de penser et d’agir entre la religion dualiste des Aryens et le magisme ou chamanisme des Touraniens[3] ; mais cette opposition fut sourde et inconsciente, elle n’empêcha point de se manifester un autre antagonisme qui, en quelque sorte, a subsisté jusqu’à nos jours.

Les indigènes de l’Iran, portés naturellement, comme les autres peuples, à se donner une valeur de premier ordre parmi les groupes ethniques, ne se trompèrent point quand ils revendiquèrent pour leur pays une influence prépondérante, en le comparant avec les régions des alentours, souvent désignées sous le nom de Touran. Ce mot, maintes fois prononcé par les Iraniens avec une expression de haine et de mépris, analogue à celle que manifestaient les Chinois à l’égard des « diables étrangers », s’appliquait spécialement aux populations errantes qui parcouraient les vastes plaines situées au nord du. « Paropamisus, entre les rubans de verdure qui bordent l’Oxus et le Iaxartes. Par extension, ce terme de Touran comprit tous les territoires du Nord

  1. Oppert, Le Peuple et la langue des Mèdes ; Lenormant, passim ; J. Halévy, La prétendue langue d’Accad ; Les prétendus mots sumériens, J. de Morgan.
  2. Erân, p. 34.
  3. Fr. Lenormant, Les premières Civilisations.