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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/138

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l’homme et la terre. — égypte

plus connu, puisque les historiens, Sémites ou Grecs, étaient placés de ce côté de l’Égypte et ont décrit les événements tels qu’ils les voyaient de leur poste d’observation.

De la première cataracte à la ramification des branches maritimes, la vallée du Nil, se confondant absolument avec l’Égypte, offre un caractère de parfaite unité géographique ; de l’amont à l’aval tous les traits se ressemblent et les habitants, se trouvant dans un milieu analogue, ont le même genre de vie. Aussi, durant l’histoire connue de nous, le régime politique a-t-il été presque toujours le même pour la haute et la basse Égypte ; cependant la grande inégalité des proportions entre la longueur de la vallée, d’un millier de kilomètres environ, et sa largeur minime dut avoir pour résultat premier la constitution de nombreux petits groupements se succédant de l’amont à l’aval autour d’un lieu principal de marché.

Avant l’existence d’un royaume d’Égypte, la forme normale du régime politique de la vallée dut être celui de communautés autonomes et fédérées : maints échos de cet ancien état de choses se répètent dans les annales égyptiennes, et l’on croit que la division du territoire en « nomes » sous les Ptolémées correspond à peu près à la série linéaire des anciens Etats. La centralisation du pouvoir amena l’union de ces nomes, d’abord en deux royaumes, plus tard en un seul. Le mythe et la religion rappellent la phase intermédiaire du groupement par l’expression consacrée de « Deux Égyptes », appliquée à l’ensemble de la vallée du Nil en aval de la première cataracte : l’Égypte du nord et l’Égypte du sud, la basse Égypte et la haute Égypte. Deux terres, deux firmaments distincts correspondaient à ces deux Égyptes, que l’on disait être séparées par une ligne droite allant de montagne à montagne en passant par une pyramide ou un temple limite. Les dieux Horus et Set présidaient respectivement à ces deux mondes[1] : comme l’Égypte elle-même, ils ne constituaient qu’un seul être identique et cependant ils restaient en lutte éternelle.

Les centres naturels de ces deux Égyptes se formèrent, tout en se déplaçant quelque peu de droite et de gauche, en des endroits qu’indiquaient d’avance la direction des voies historiques et les facilités

  1. Read ; Maspero, Histoire ancienne des Peuples de l’Orient classique, p. 41.