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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/142

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l’homme et la terre. — égypte

les étangs du delta, au sud, le défilé de la Chaîne ou la première cataracte marquaient les barrières du monde. Et dans ce domaine, si étroit relativement à l’ensemble des terres continentales, les Egyptiens n’occupaient qu’une mince bande ; séparés de toutes nations étrangères par leurs murs de rochers et leurs dunes de sable, ils développaient isolément leur civilisation, « comme en un vase clos[1] ».

Toutefois, on ne doit pas oublier qu’il fut un temps où l’Egypte n’était pas encore une étroite bande de terre alluviale enfermée entre deux déserts. Certains indices font penser que les premiers hommes pénétrant dans la vallée nilotique trouvèrent les pentes des rochers recouvertes sinon de gazon, du moins d’herbes nourrissantes ; le climat n’était pas le même ; les pluies étaient plus abondantes, le bétail avait à discrétion la pâture qui lui était nécessaire. Dans un ravin qui s’ouvre au sud-est du Caire, dans le désert arabique, Schweinfurth a découvert les restes d’un énorme barrage qui n’aurait plus aucun sens aujourd’hui, tant les pluies torrentielles qui parcourent la vallée, entre les parois grises de la roche, sont un phénomène rare[2]. Les anciennes inscriptions nous parlent de troupeaux énormes paissant en des régions où l’homme ne trouverait plus aujourd’hui la moindre récolte nourricière. Et combien de monuments, avec inscriptions et sculptures, s’élèvent en plein désert, alors que la piété des fidèles ne manque pas de les dresser en terres habitées, les destinant à être vus et admirés par la foule des passants[3].

Flinders Petrie, Griffith, Blankenhorn, Fraas et autres ne doutent pas qu’il y ait eu modification de la pluviosité pendant la période humaine, d’aucuns disent pendant la période historique. Breadnell et Schweinfurth, très connaisseurs de l’Egypte, protestent à des degrés divers contre cette dernière opinion[4]. D’ailleurs, quelles que puissent être les vues particulières des explorateurs et leurs erreurs d’appréciation, il est certain que la question de l’ancien climat d’Egypte ne pourra être élucidée par la seule observation de l’Afrique septentrionale. Le moindre recul que l’on puisse donner à l’apparition de

  1. G. Maspéro, Histoire ancienne des Peuples de l’Orient classique, p. 45.
  2. Ein altes Stauwerk aus der Pyramidenzeit. Extr. d’Illustrierte Deutsche Monatshefte, 1895.
  3. Oscar Fraas, Aus dem Orient, p. 215.
  4. La Terra Incognito de l’Egitto, p. 13. Extr. dell’Esploratore, 1898.