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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/144

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l’homme et la terre. — égypte

les destinées du pays, par quelle race d’hommes fut-il occupé, d’où vinrent ses premiers colons et quel était leur genre de vie ? Autant de questions auxquelles il est encore impossible de répondre, quoique de vagues inductions permettent de hasarder des hypothèses plausibles et même de constater des faits préhistoriques de capitale importance.

Ainsi, l’on sait désormais que l’Égypte eut, comme l’Europe, son âge de pierre. Les savants, éblouis par le nombre, la variété, la grandeur, la magnificence des monuments laissés par les Egyptiens des temps historiques, ne donnèrent jusqu’à une époque récente aucune attention aux humbles débris des âges qui précédèrent les temps racontés par les annales écrites. C’est en 1869 seulement qu’Ancelin fit son premier rapport sur l’industrie primitive de la pierre en Égypte[1]. Ce document intéressa les archéologues, mais les découvertes de grattoirs, de couteaux, de flèches, de haches et d’autres objets, outils et armes analogues à ceux que nous ont laissés dans l’Europe occidentale nos ancêtres des âges éolithique, paléolithique et néolithique, restèrent longtemps comme un fait isolé, sans lien avec le développement connu des populations égyptiennes. Ces trouvailles n’ont pris une réelle importance qu’après les fouilles, exécutées par milliers en des tombeaux très anciens, où des instruments néolithiques étant mêlés à des vases de pierre dure et à des ivoires sculptés, un point de repère commun fut donné aux étudiants de la préhistoire et aux archéologues.

Les outils en silex n’étaient pas encore tombés en désuétude lors des temps pharaoniques et s’associaient au développement d’une très haute civilisation ; mais l’époque à laquelle prédominait l’emploi de la pierre et des os fut de beaucoup antérieure aux premières dynasties. Dans l’état actuel de nos connaissances, les plus anciennes pierres utilisées par l’homme en Égypte sont celles que Schweinfurth a déblayées récemment sur la terrasse intermédiaire de Kurna, à l’endroit où, vingt ans plus tôt, en 1882, Pitt Rivers avait déjà signalé des silex taillés ; elles remontent au début de l’époque quaternaire. Sur la terrasse inférieure, on trouve des éolithes de même nature mélangés à des instruments paléolithiques, tandis que sur le plateau et dans la

  1. Adrien Ancelin, La question préhistorique.