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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/22

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l’homme et la terre. — phénicie

comme Tyr, sa voisine, dans la région, ou viennent s’équilibrer les forces des trois continents connus des anciens : c’est bien dans cette zone côtière que se croisent les axes principaux suivant lesquels devait se développer l’histoire.

Que l’on se rappelle le rôle de premier rang appartenant à l’Iranie, grâce à la ligne de vie, au chemin des nations qui se développe le long du diaphragme des montagnes de l’Asie centrale, au nord et au sud de cette arête majeure. Les grandes voies de l’Extrême Orient, convergeant de l’Inde et de la Chine, se rencontrent en ces contrées pour redescendre ensuite vers la Mésopotamie et former leur principal ganglion nerveux dans la plaine où le Tigre et l’Euphrate rapprochent leurs cours et mêlent leurs eaux pendant les crues. Babylone, ou telle autre cité voisine, fut le centre de l’histoire asiatique pendant des milliers d’années, et c’est en ce lieu même que se serait opérée, dans la direction du nord-ouest et du sud-ouest, la bifurcation des deux routes majeures d’Europe et d’Afrique, si, à l’occident de l’Euphrate, les déserts de l’Arabie ne s’avançaient vers le nord en un vaste hémicycle, empêchant, ou du moins rendant presque impossible, la traversée directe des argiles, des sables et des coulées de lave. La ligne normale de communication se reploie donc vers le nord pour remonter le cours de l’Euphrate jusqu’aux avant-monts du Taurus et gagner la côte, soit en traversant la bande étroite de terrain qui sépare le coude nord-occidental de l’Euphrate et le golfe d’Alexandrette, soit en quittant la voie fluviale plus au sud pour contourner le désert et rejoindre le littoral par une brèche des montagnes. De toutes manières, que la ville d’étape fût Karkemich, Alep, Antioche, Palmyre ou Damas, le point de divergence des deux routes, d’un côté vers l’Asie Mineure et l’Europe, de l’autre vers le continent africain, se trouvait reporté en Syrie, dans le voisinage immédiat de la Méditerranée.

Au point de vue des routes océaniques, les avantages que la nature assignait aux cités phéniciennes, lors du passage de la civilisation à leur périgée, ne furent pas moindres que pour les routes continentales. Vers l’ouest s’étend la Méditerranée qui baigne, sur 3 600 kilomètres en droite ligne, les rivages de l’Afrique et ceux de l’Europe, découpés à l’infini, du moins au nord, par les golfes et les baies. A peu de distance au sud, l’étroite mer Arabique pointe sa langue bifide de Suez et d’Akabah vers le golfe de Péluse et la Méditerranée, la mer