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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/260

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l’homme et la terre. — libye, éthiopie

intérieure de l’Afrique, tournée vers le même bassin maritime que la Babylonie, le pays des Hymiarites et des Ethiopiens, n’eut point de contre-partie sur la rive occidentale, extérieure du continent, tournée vers les immenses solitudes de l’Atlantique. De ce côté, nous le savons, il n’y eut que des voyages de découvertes, non des relations durables ; ils parlaient d’ailleurs d’un autre centre que celui d’où s’élançaient les navigateurs de la mer des Indes. Carthage, et non sa mère phénicienne, présidait à ces expéditions vers le monde atlantique, et c’est à un autre cycle de l’histoire qu’elles appartiennent. Lorsque les marchands carthaginois cherchaient à reculer les bornes du monde connu, le pivot de l’humanité s’était déplacé dans la direction de l’Ouest, de la Méditerranée tyrienne et crétoise vers la mer de Sicile et d’Etrurie. La période dont Rome a été le foyer d’action principal avait commencé.

Cependant, dès l’époque antérieure à l’hégémonie romaine, lorsque le centre de la civilisation mondiale se trouvait encore dans les contrées orientales de la Méditerranée, les Phéniciens et leurs élèves les Grecs avaient connaissance, comme à travers un brouillard, de toutes les populations du nord de l’Afrique jusqu’au sud du désert. Le récit légendaire que nous fait Hérodote[1] de l’expédition des jeunes aventuriers Nasamons repose certainement sur un fond de vérité, car la région septentrionale de l’Afrique est bien telle que la décrit cette histoire.

Des voyageurs partis de la Syrie, à l’ouest de la Cyrénaïque, ont en effet à traverser successivement la zone des cultures riveraines, puis le pays, « séjour des bêtes fauves », et le vaste désert des sables. Au delà recommencent les plaines où les arbres croissent spontanément, des régions marécageuses s’étendent plus loin, et le courant d’un grand fleuve où s’ébattent des crocodiles arrête les voyageurs encore aujourd’hui, comme au temps des Nasamons. Si tous les habitants de ces contrées de l’intérieur ne sont pas, comme le dit Hérodote, des hommes de petite taille, on en trouve pourtant que l’on peut même qualifier de nains. Parmi les nations avec lesquelles les Nasamons étaient en rapport, les anciens citent les Garamantes, « nombreux et très puissants ». Ce nom se retrouve peut-être dans

  1. Histoires, livre II, 32.