Aller au contenu

Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
l’homme et la terre. — grèce

abrité par Lesbos du côté de l’Archipel et la baie de Kizique sur la Propontide[1]. La mer Noire finit par devenir le domaine presque exclusif des Milésiens. De l’Hellespont à la Khersonèse Taurique et au pied du Caucase, ils fondèrent environ quatre-vingts comptoirs, dont beaucoup si bien choisis qu’ils devinrent des cités considérables et se sont maintenus jusqu’à nos jours malgré les vicissitudes de l’histoire[2]. Quant à la cité mère, la glorieuse Milet, les avantages exceptionnels que lui avait donnés la nature ne devaient durer qu’un temps ; elle était condamnée par les éléments à disparaître un jour ou du moins à se déplacer ; car les alluvions du Méandre, ne cessant de gagner sur les eaux du golfe Latmique, enfermèrent graduellement la cité d’une ceinture de marais ; ses ruines sont perdues maintenant au loin dans l’intérieur des terres.

Combien d’autres cités ioniennes, éoliennes, doriennes se fondèrent, comme Milet, sur ces rivages heureux de l’Asie Mineure et dans les îles de la côte. A l’angle sud-occidental de la péninsule anatolienne naquit Halicarnasse, le « Fort de la mer » ; Diane vit son temple se dresser dans Ephèse, ville qui se fit conquérante et s’acquit de vastes territoires en terre ferme, tandis que Milet songeait à établir des comptoirs sur les rivages des mers seulement. Samos, Smyrne, Chios, Phocée, Cumes (Cyme) portent des noms à peine moins glorieux que celui de Milet, et chacune de ces mères eut aussi de nombreuses filles parmi les cités riveraines de la Méditerranée. Les colonies de l’Orient hellénique possédaient un lieu de ralliement dans l’île de Delos où se célébraient de grandes fêtes religieuses depuis des temps immémoriaux, et où les Grecs occidentaux, Athéniens et gens de Chalcis, venaient se rencontrer avec leurs frères des tribus émigrées[3].

Dans leurs exodes, les Grecs, toujours très imaginatifs, aimaient à donner pour raison de leur déplacement un oracle de l’Apollon delphien, tandis qu’en réalité les causes diverses étaient toujours d’ordre économique, social ou politique. Des haines de classes, des rivalités entre familles ambitieuses, l’insuffisance des champs de culture, la perte ou l’amoindrissement du territoire, ainsi que ce fut le cas lors

  1. Victor Bérard, Les Phéniciens et l’Odyssée, t. I, p. 74.
  2. G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l’Art dans l’Antiquité, t. VII, pp. 307, 308.
  3. L. von Ranke, Weltgeschichte, I, 1, p. 173.