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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/332

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l’homme et la terre. — grèce

voués à l’Eglise n’en restaient pas moins esclaves, et l’on sait qu’en France les derniers affranchis furent des prisonniers de la glèbe appartenant aux moines de Saint-Claude.

L’histoire écrite commença pour la Grèce lorsque s’était déjà constitué cet antagonisme des deux Grèce, aristocratique et démocratique, représentées l’une par Sparte, l’autre par Athènes. Un premier personnage, bien identifié et fixé dans son cadre historique, Phidon, apparaît en Argolide et frappe des monnaies à son effigie pour le commerce avec l’Asie Mineure et la Phénicie ; on croit pouvoir reconnaître encore sur des médailles primitives de la Grèce une image copiée de l’Astarté tyrienne, qui rappellerait l’époque de Phidon, de vingt-six à vingt-sept siècles avant nous[1]. Puis, dans Athènes, nous voyons en plein relief le « tyran » Pisistrate qui, grâce aux dissensions des grandes familles et non sans l’aide de mercenaires étrangers, réussit à s’emparer du gouvernement et cherche aussitôt, suivant la constante politique des maîtres intelligents et perfides, à faire dévier les passions du peuple vers un autre but que la liberté. C’est Pisistrate : peut-on dire, qui fut le véritable fondateur du « panhellénisme » : détournant les ambitions des Athéniens, il leur persuada de lutter pour la constitution d’une grande Grèce au lieu de rêver à leur propre indépendance. Le premier, il fit recueillir les textes connus des chants homériques et les fit colliger en un tout qui devint l’Iliade, le plus précieux des livres grecs, et donna aux Grecs de toutes origines et de tous dialectes la conscience de leur unité de civilisation en face de l’Asie persane. Joignant l’exemple au précepte, il rattacha très étroitement au gouvernement d’Athènes l’île de Delos, le grand lieu de pèlerinage des insulaires de la mer Egée ; il prit même pied sur la terre d’Asie au cap Sigée (Kum-Kalessi ou Ienicheri) à la porte de l’Hellespont et s’empara du sol sacré qui recueillit les cendres de Patrocle et d’Achille. C’était un défi adressé directement au « Roi des rois » qui ne devait pas tarder à répondre. Autre événement très grave, Pisistrate tourna l’esprit des Athéniens vers la furieuse acquisition des richesses en s’emparant des mines de Thrace, très productives en or et en argent.

  1. L. von Ranke, Weltgeschichte, t. I, 1, p. 171.