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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/448

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l’homme et la terre. — rome

Nord et les routes liquides de la mer qui porte encore leur nom — « Tyrrhénienne » — ; ils exploitaient les mines si merveilleusement abondantes de l’île d’Elbe et disposaient d’artistes et d’artisans nombreux pour élever leurs temples, sculpter et fondre leurs statues, peindre leurs fresques et leurs poteries. Mais déjà ils étaient tombés sous la main de fer des prêtres qui les muraient peu à peu dans leur caverne sépulcrale.

La théogonie des Etrusques ressemblait fort à celle des Grecs. Certaines divinités des Hellènes avaient été purement et simplement introduites dans le Panthéon toscan ; nombre de dieux nationaux et topiques avaient été partiellement hellénisés, ainsi que les formes de leur culte et l’idée qu’on se faisait de leur personne. Un Jupiter, un Zeus trônait aussi dans le ciel des Rhasena et, comme celui de l’Olympe, consultait le Destin, les grands « Etres voilés», quand il lançait les carreaux de sa foudre pour détruire ou pour épouvanter ; il s’entourait également d’une cour de douze grands dieux à voix consultative, les « Constants ».

Mais si les analogies étaient fort grandes quant aux cadre des religions, grecque et toscane, la différence intime, le contraste même s’étaient graduellement accrus par suite de la domination que les représentants des dieux avaient fini par conquérir sur les Etrusques, arrivés à la période de leur déclin. La peur était devenue par excellence le caractère distinctif de la foi religieuse. Un « Jupiter mauvais », Va-Dovis ou Va-Dius, travaillait dans les hauteurs du ciel au malheur des humains, et d’innombrables génies du mal, surtout des morts inassouvis, cherchaient à nuire aux vivants. De là ces précautions que l’on prenait pour ne pas être vu par eux et que prennent encore les Florentins actuels, vêtus de cagoules afin que l’esprit du défunt ne les reconnaisse pas.

Pour conjurer ces dangers incessants, qu’annonçaient des présages de toute nature et qui menaçaient l’homme de tous les points de l’espace, l’intercession du prêtre était indispensable : on avait besoin de ses prières, de ses incantations, de ses gestes d’appel ou d’exorcisme, des sorts qu’il jetait ou détournait, des offrandes, même des sacrifices humains par lesquels il pacifiait les dieux. De pareils services ne paraissaient pas trop chèrement achetés par le présent du pouvoir politique. Les villes de la confédération étaient régies par une aristo-