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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/502

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l’homme et la terre. — rome

du sud-ouest au nord-est sur une largeur d’une centaine de kilomètres et ne dépassant nulle part 500 mètres en altitude. Les commerçants phéniciens, les Grecs peut-être, suivirent, bien des siècles avant César, ces voies de communication entre le littoral de la Méditerranée et le versant océanique. Alésia défendait un des seuils et l’on disait cette ville fondée par Melkarth, l’Hercule tyrien, le dieu de la force par excellence, puisque les hommes trouvaient leur intérêt à se laisser subjuguer[1]. Du côté du nord-est par les hautes vallées de la Saône, de l’Oignon, du Doubs, la route majeure « rhodano-séquanienne » se bifurquait aussi vers le Rhin et toute la Germanie. Cependant les itinéraires des trafiquants étaient restés complètement ignorés des savants grecs ; ceux ci ne se faisaient aucune idée approximative des routes des Gaules, s’imaginant avec Hérodote (Livre II, 33) que l’Ister, ou Danube, naissait à la ville de Pyrène, c’est-à-dire dans les Pyrénées, pour traverser toute l’Europe de l’occident à l’orient.

Si les routés qui donnèrent accès aux Romains sur le versant océanique, et par cela même, inaugurèrent une ère nouvelle de l’histoire, doivent à ces conséquences un intérêt tout spécial, les autres voies naturelles qui rattachent les Gaules aux contrées orientales, à travers la Germanie, déterminèrent aussi des résultats de la plus haute importance, quoique laissés généralement dans l’ombre à cause de l’ignorance dans laquelle on se trouve pour les époques et les détails des événements. Du côté de l’est, les campagnes des Gaules sont accessibles par des portes nombreuses aux peuples navigateurs qui se déplaçaient de l’Orient vers l’Occident ou du Nord-Est vers le Sud-Ouest : à diverses reprises pendant les âges de la préhistoire et de la protohistoire, ces chemins d’accès laissèrent passer des populations très différentes des habitants autochtones ou depuis longtemps établis dans le pays ; de nouveaux éléments ethniques modifièrent souvent le fond primitif des Ligures, Ibères et autres tribus qui peuplaient l’espace compris entre Pyrénées et Rhin.

La nature même des contrées à traverser indique la marche des peuples envahisseurs, que des refoulements de guerre, des phénomènes climatiques, un excès de croissance dans les familles ou toutes autres causes suscitant l’esprit d’aventure avaient ainsi mis en marche

  1. Diodore de Sicile, livre V, 24 ; — F. Lenormant, Les premières Civilisations