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Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 2, Librairie Universelle, 1905.djvu/504

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l’homme et la terre. — rome

Thuringe, Ardennes, ainsi que Les espaces intermédiaires de la Germanie. Les voyageurs venant des campagnes sarmates contournaient ces obstacles et les marécages du plateau russe et trouvaient un passage par les plaines de Pologne et les terres basses du littoral baltique[1], où des étendues sableuses, des landes et bruyères alternent avec des bois et des lacs sans profondeur. Cette zone riveraine, que les glaces de la Scandinavie avaient nivelée jadis, était le grand chemin tout préparé pour les mouvements ethniques, entre les régions ponto-caspiennes et les Gaules.

Au sud de la Germanie, la route historique était plus longue et plus sinueuse, mais elle fut également suivie par nombre de peuplades pacifiques ou guerrières. Cette route était la vallée du Danube. Contournant les montagnes, elle remontait successivement de l’est à l’ouest par les anciens lacs et les défilés de jonction, les « portes » par lesquelles s’est fait l’assèchement graduel de l’Europe centrale. Arrivée aux sources danubiennes, cette route n’avait qu’à se diriger vers le coude du Rhin à sa sortie des montagnes et à pénétrer en France par la brèche d’entre Vosges et Jura, dont l’importance stratégique est encore de nos jours considérée comme étant de premier ordre : on la désigne sous le nom de « trouée », comme si en cet endroit le mur extérieur des Gaules était rompu.

Cette route du Danube forme au nord des Alpes et de tout le diaphragme des montagnes de l’Europe un long chemin parallèle à la voie maritime de la Méditerranée. Suivant leurs mœurs et leurs conditions historiques, les différents peuples des contrées limitrophes de la mer Noire et de la mer Egée avaient donc le choix pour leur trafic, pour leurs expéditions ou leurs exodes entre les eaux et l’intérieur des terres. De part et d’autre s’accomplissaient des œuvres analogues : au nord comme au sud l’histoire évoluait dans la même direction ; seulement le mouvement maritime, qui se confond avec l’histoire de la Phénicie, de la Grèce et de Rome, surgit devant nous éclairé par un flot de lumière, tandis que la marche des peuples, le long du Danube, non moins importante par ses effets durables, reste ensevelie dans l’ombre du passé : elle ne se révèle que par des noms de lieux, des légendes nationales, des

  1. Voir vol. I, p. 205, carte n° 29, Routes de l’Ambre.