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Page:Reinach - Histoire de la Révolution russe.djvu/25

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histoire de la révolution russe

tituée à la façon d’une armée, avec des grades ou tchines au nombre de quatorze. On en a dit beaucoup plus de mal qu’elle ne méritait, car, après tout, elle a fait travailler une puissante machine et, en temps normal, sans trop de heurts. Mais une bureaucratie qui n’est contrôlée ni par une presse libre, ni par des corps librement élus, est fatalement vouée à l’arbitraire et à la corruption. Il faut ajouter que le recrutement de cette bureaucratie était une sélection à rebours, les éléments les plus laborieux et les plus probes se détournant d’une carrière où les vices étaient plus estimés que les vertus. Presque entièrement germanique dès l’origine — la Russie slave étant trop ignorante pour en remplir les cadres — cette bureaucratie est restée toute pénétrée d’influences allemandes qui ont contribué à la rendre suspecte, comme un corps étranger servant de régulateur au corps entier de la nation.

Une partie importante de l’administration russe est la police, dont la section politique, okhrana, mérite tout le mal qu’on en dit. C’est l’ancienne troisième section de la chancellerie impériale sous Nicolas Ier (1826), transformée sous Alexandre II (1880). La procédure de cette police est sommaire et secrète, comportant la déportation sans jugement, « par voie administrative ». Le policier russe est espion, agent provocateur, maître chanteur. On appelait familièrement « Constitution russe » ou « Ko » les pots de vins payés à la police qui permettaient seuls de vivre sans être molesté. Il n’y avait pas une ville russe, en 1913, où les juifs ne payassent à la police un fort impôt annuel. Chaque portier (dvornik) était affilié à la police ; il y avait des policiers déguisés en soldats et en