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de la peſte de Marſeille


L’un avoit le crane ouvert & les moëlles éparſes ça & là, l’autre étoit crevé & flottoit, pour ainſi dire, au milieu de ſes viſceres répandus, & d’autres étoient entierement fracaſſés. Des difformités encore plus monſtrueuſes défiguroient ces cadavres abandonnés. Un nombre infini de chiens affamés par la déſertion, ou par la mort de ceux qui les nourriſſoient, rodoient par la Ville, & s’acharnant ſur ces cadavres, ils les dévoroient : laiſſons imaginer l’horreur de ce ſpectacle, & finiſſons un recit, que nous ne pourrions continuer ſans fremir, & ſans inſpirer aux autres la même frayeur dont nous avons été ſaiſis en le voyant.

A la vûë de tant de malheurs, ne devons-nous pas nous écrier, comme autrefois le Prophète[1] : Eſt-ce donc là cette Ville, qui étoit la joie & les délices de la Province, cette Ville ſi floriſſante par ſon commerce, par ſon opulence, par le nombre de ſes habitans, cette Ville autrefois ſi peuplée, comment eſt-elle maintenant abandonnée & déſerte ? Ses ruës pleurent leur ſolitude. Tout ſon peuple gé-

  1. Jeremie.