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Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/166

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reine, entourée d’adorateurs, parmi lesquels, sois-en bien certain, il surgira quelque soir un ou plusieurs amoureux. Pour elle, tu n’es qu’un serf de plus, mon garçon !

— Ah ! vous êtes folle, Barbe, et toujours mauvaise pour Lise !

— C’est bien, c’est bien ; qui vivra verra !

Ce premier trait lancé, Mme Frantz n’avait pas été plus loin, mais, ce jour-là, Paul était revenu rue d’Assas tout surpris de ne pas s’être aperçu jusqu’alors qu’il restait chez lui au second plan, et pensant qu’il était de sa dignité qu’il en fût autrement. Toutefois, il ne songea pas un seul instant à faire des observations à ce sujet. D’abord il n’aurait su comment s’y prendre, et lorsqu’en le voyant entrer dans l’atelier, sa jeune femme l’attira à elle par un de ces regards passionnés qu’elle avait toujours pour lui, l’artiste, homme de sensations instantanées, oublia bien vite le petit froissement d’amour-propre que venaient de lui faire éprouver les réflexions de sa belle-sœur.

Du reste, l’heure était assez mal choisie pour penser à des changements d’existence, car Lise y venait d’elle-même, en raison de son état. En effet, elle entrait dans le septième mois de sa grossesse et était tellement heureuse à cette pensée qu’elle allait être mère d’un enfant qu’on ne lui enlèverait pas, celui-là, qu’elle voulait se soumettre à des précautions hygiéniques auxquelles, précédemment, dans des situations analogues, elle n’avait jamais songé.

Lorsqu’elle avait été enceinte de Tekla, elle l’avait dissimulé par coquetterie jusqu’au dernier moment, mais maintenant pour qui se gênerait-elle ? N’était-elle pas certaine de l’amour de son mari ? N’avait-elle pas le droit d’être fière de cette maternité, qui devait combler le vide si douloureux que les circonstances avaient fait autour d’elle ? Ah ! certes, elle ne songeait pas à oublier ceux qui étaient si loin, ils avaient toujours leur place dans son cœur, et c’est pour trois qu’elle aimerait ce cher enfant qu’elle portait dans son sein.