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Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/175

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Comme si, en matière de cœur et de sentiment, le coupable ne se relevait pas toujours au contraire en implorant son pardon.

Lise eût pardonné, car si à l’époque où Paul avait commencé à oublier ses devoirs, la nouvelle de cet égarement était venue la surprendre en pleine quiétude, en plein bonheur, elle l’aurait aussi trouvée en plein amour, et son cœur eût plaidé la cause de l’infidèle. La blessure eût été peut-être plus douloureuse encore, mais la femme aimante se serait redressée sous le choc pour lutter et reprendre son bien.

Maintenant il n’en était plus ainsi. L’épouse délaissée ne souffrait pas moins dans son orgueil que dans son affection. On eût dit, au calme qu’elle avait retrouvé, après un premier moment de désespoir, qu’elle songeait plus encore à se venger d’un outrage qu’à pleurer une trahison.

À elle si dévouée, si franche, si loyale, on avait menti : à elle qui s’était si spontanément, si complètement donnée, on préférait une fille ; et cela durait depuis plusieurs mois, c’est-à-dire que depuis plusieurs mois, elle, la comtesse Barineff, l’ex-princesse Olsdorf, l’ancienne souveraine de Pampeln, la grande dame que les plus brillants gentilshommes avaient adulée, elle était un objet de mépris ou de pitié pour les compagnons de plaisir de son mari.

Et il était arrivé que ce mari, les lèvres encore humides des baisers d’une autre femme, était revenu à elle, sollicitant ses légitimes caresses, en lui jurant qu’il l’aimait. À ces souvenirs, son âme tressaillait d’horreur et sa chair se révoltait avec des frissons de dégoût.

Ce qu’elle allait faire boulevard de Clichy, elle l’ignorait. Ce qu’elle allait dire, elle ne le savait point. Ce qu’elle voulait, c’était ne pas être un jour de plus le jouet de l’homme auquel elle avait tout sacrifié.

Par moments, au milieu de ces pensées, une autre pensée surgissait soudain en elle, par un de ces revirements fréquents dans les âmes élevées qui hésitent à croire au mal. Si on l’avait trompée, si cette lettre était