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Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/73

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séduite était une espèce de rêveur, sans talent, sans gloire. Vous avez succombé par inexpérience, par curiosité de l’âme, plutôt que par amour. Vous étiez encore presque une enfant. Moi, j’étais une femme lorsque je me suis donnée à Paul. Mon cœur et mes sens l’attendaient dans la solitude, dans le vide que faisaient autour de moi le prince, homme froid, compassé, sans passions, qui n’avait jamais su me comprendre.

— Mais l’avenir, l’avenir ?

— Il sera ce que le feront les événements, semblable au vôtre peut-être, moins l’abandon de celui que j’aime. Je ferai de Paul un grand artiste : il me devra tout : sa réputation et sa fortune.

— Un jour ou l’autre votre mari exigera votre retour en Russie. Il vous faudra bien alors vous séparer de M. Meyrin.

— Cela, jamais !

— Quelle raison donnerez-vous pour prolonger votre séjour à Paris ?

— Je l’ignore. Je dirai que les médecins redoutent pour ma sante le climat de mon pays. Le prince me croira. En attendant, il chasse et s’inquiète fort peu de moi. Lorsque je serai délivrée, nous verrons.

Mme Daubrel n’avait osé ajouter : Et votre enfant, vous n’y pensez donc pas ? Elle savait que c’était là le seul point vulnérable de la jeune femme, qui, malgré son fol amour pour Paul, ne parlait de son fils qu’avec tendresse et les yeux remplis de larmes. Elle ne se pardonnait pas d’être séparée de lui, lorsque la passion, en absorbant son être, ne lui faisait pas tout oublier.

Grâce à ces confidences, l’intimité de Lise Olsdorf et de Mme Marthe Daubrel se resserra de jour en jour, et bientôt la princesse, épouse adultère, heureuse de sa faute, eut pour amie dévouée cette petite bourgeoise séparée de son mari et qui se repentait.

Le cœur aimant et tendre de Marthe n’avait trouvé que fort peu d’écho auprès de Mme Meyrin, femme d’un tempérament calme et réservé, et l’affection de sa mère à elle, qui ne lui pardonnait pas le passé, ne pouvait sa-