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Page:René de Pont-Jest - Le Cas du docteur Plemen.djvu/330

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d’audience ou le soir, dans l’intimité de la famille ?

Et lorsque les juges reprennent possession de leurs sièges, en même temps que les membres du jury rentrent à leur banc, ils voient les choses tout autrement qu’ils ne les avaient appréciées d’abord. Des criminels ont dû la vie à cette influence de l’auditoire. Peut-être d’autres, ce qui est plus atroce à penser, lui ont dû la mort.

Un exemple entre tous.

C’était à l’affaire Moyaux, cet horrible assassin de sa petite fille ; Me Demange l’avait défendu avec cette éloquence entraînante, cette habileté d’analyse et de déduction qui font de lui l’un des meilleurs avocats d’assises de notre temps ; mais la condamnation capitale du misérable n’en paraissait pas moins certaine.

Quelles circonstances atténuantes pouvait-on accorder à un semblable forfait ? À moins d’assimiler Moyaux à Médée et d’avoir la hardiesse de dire : « De même que l’épouse de Jason a poignardé ses fils pour ne pas les laisser dans les bras de Creuse, sa rivale, de même Moyaux, dans un accès de folie, a tué sa fille, plutôt que de la rendre à sa femme. »

Cette femme était venue à l’audience ; sa déposition accablante avait moins exprimé sa douleur de mère que sa haine d’épouse ; l’auditoire l’avait bien compris, et des murmures de réprobation