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Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/228

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sonnage. Je voudrais pouvoir vous peindre la gravité qui présidait à leurs entretiens, et les discussions savantes et sans fin où les entraînaient le choix des vins qui devaient accompagner tels ou tels mets, et les combinaisons culinaires de tels ou tels plats. Le sort d’une nation, que la révolution vient de rendre libre de devenir républicaine ou monarchique, n’a jamais autant été débattu dans un congrès européen, que celui d’un faisan ou d’une gigue de chevreuil dans les conférences gastronomiques du contrebandier d’opium. Sir John n’aimait pas à recevoir un grand nombre de convives ; il ne voulait que deux ou trois amis, mettant en pratique ce proverbe de sa nation : « Les fous donnent des festins, les sages sont à table. »

Quant à l’équipage du Fire-Fly, il se composait d’une trentaine de Malabars choisis avec le plus grand soin, qui pour la plupart étaient depuis plusieurs années à bord. Son état-major ne comprenait qu’un second et un lieutenant.

Ce second capitaine s’appelait Morton : c’était un anglais sec, anguleux, spleenique, aimant le bâtiment et la mer avec une passion sauvage, ne comprenant pas qu’on séjournât plus de vingt-quatre heures en rade. Il y avait plus de trois ans qu’il n’avait débarqué, lorsque le Fire-Fly était venu se faire radouber. Canon avait pour lui, et il le méritait, une profonde estime et une grande amitié. C’était un des meilleurs marins que j’eusse jamais rencontré.