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Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/299

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de ne naviguer dans les détroits qu’en plein jour, ou pendant la nuit, avec une de ces lunes brillantes des tropiques comme il se contentait d’en désirer une pour soleil à sa brumeuse patrie.

Il faut avoir suivi les rives parfumées de ces îles qu’on nomme les Îles de la Sonde, pour comprendre ce que les soirées ont de charme et de poésie dans ces parages. La mer y est unie comme la surface d’un lac, la végétation envoie sa richesse jusque sur le sable d’or du rivage, les côtes se découpent à l’horizon en mille fantômes bizarres sous la réfraction de l’atmosphère embrumée. Le navire s’incline à peine sous la faible brise qui, franchissant la terre, ne gonfle que ses voiles hautes. Les frégates, les méduses, les gorgones, les alcyons, les hydres, tous ces zoophytes aux formes étranges, passent lentement le long du bord en ouvrant leurs voiles de pourpre et leurs longs bras rayonnants. L’oiseau moqueur et le perroquet à l’éclatant plumage franchissent d’un bond la largeur du détroit, en laissant tomber leurs cris perçants ; les dorades argentées se jouent dans le sillage, et les grands bois des rives ouvrent leurs impénétrables abris aux panthères et aux jaguars, dont les échos de la lame redisent les rauques rugissements.

Puis, la nuit vient, brusquement, sans crépuscule, fraîche et parfumée, et l’on s’endort en rêvant, pour s’éveiller tout à coup, échoué parfois, le beaupré dans les branches des mimosas en fleurs.