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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/124

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sur la poitrine et une ceinture faite de mains humaines. Elle foulait aux pieds Siva, son époux.

« — Voilà donc la divinité de ces infâmes Thugs ! s’écria Vlicâsâ. Anathème ; anathème sur eux !

« À peine avait-il parlé ainsi que deux yeux flamboyèrent dans l’ombre ; dans l’espace laissé libre entre le mur du temple et la statue se montra un homme qui, étendant le bras droit vers Vlicâsâ avec un geste menaçant, lui dit :

« — On n’insulte pas impunément les Thugs ! Tu te souviendras !

« Puis il disparut.

« Feringhea avait parlé ; car c’était lui.

— Feringhea ! interrompit le président, en êtes-vous certain ?

— Bien certain, répondit le témoin avec assurance.

— Tournez-vous à droite et regardez.

Le yogi obéit et son visage exprima la plus indicible épouvante.

Il venait de reconnaître le terrible chef.

— Continuez, lui ordonna sir Monby.

Mais le malheureux semblait frappé de mutisme.

Il se remit cependant et reprit, en s’efforçant de ne plus regarder du côté de Feringhea :

— Nous étions en force ; un homme seul ne pouvait rien contre nous ; son apostrophe nous fit donc l’effet d’une vaine bravade. Hélas ! nous ne connaissions pas les Thugs.

« Trois mois s’étaient écoulés et cet incident était oublié, lorsque, cédant aux vœux des habitants de Visugapatam, Vlicâsâ fit annoncer à son de trompe par la ville que, le lendemain lundi, à midi, il se ferait enterrer vivant, pour rester enseveli jusqu’au lundi suivant à la même heure. Ce fait accompli, il promettait qu’aussitôt que la pierre de son tombeau aurait été enlevée, il se lèverait pour aller rendre des actions de grâce à la mosquée.

« Le jour indiqué, on conduisit Vlicâsâ sur la lisière de la forêt de Djanasthâna et on le descendit dans un caveau préparé pour le recevoir.

« En présence d’une foule immense, notre chef s’étendit au fond de ce caveau, sur une natte, avec ses vêtements, et sans autre précaution que de se mettre un morceau de cuir sur le visage.

« — Laissez tomber la pierre au-dessus de moi, dès que vous me verrez immobile, dit-il, je vais m’endormir pour huit jours.

« Il se coucha, une main sur la poitrine et l’autre sur la tête ; ses yeux roulèrent dans leurs orbites ; sa figure, convulsive et contractée, prit une expression d’extase. Il retira sa langue en arrière comme s’il eut voulu l’avaler, puis le sommeil léthargique commença.