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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/126

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XIV

AUDIENCE DE SIX HEURES DU MATIN.



Le lendemain, en effet, à six heures, la cour entra en séance.

Malgré l’heure matinale, la salle était comble. On y remarquait surtout un grand nombre de dames, qui suivaient avec une attention soutenue ces émouvants débats.

Le premier témoin que sir Monby fit comparaître se nommait Kandawar-K’han. C’était un indigène, sergent au 4e régiment de cipayes.

Il s’avança vers la barre, jeta un regard sur les accusés et ne put maîtriser un mouvement involontaire.

Il avait sans doute aperçu parmi ces misérables des figures de connaissance, mais la voix du président l’ayant fait revenir à lui, il déposa en ces termes :

— Je suis resté pendant deux ans en garnison à Buggalow, où j’eus l’occasion de voir quelquefois un marchand de toiles établi non loin de notre caserne et nommé Hiroumi-D’jebba. Ce marchand avait une fille de dix-sept ans, que je rencontrai dans la maison et à laquelle j’avais eu l’occasion d’être utile. Ayant obtenu un congé de trois mois pour aller voir mes parents qui demeuraient non loin d’Arcott, j’annonçai un soir mon prochain voyage à la famille du marchand.

« Khasima, c’était le nom de la jeune fille, me regarda pendant quelques instants d’une façon particulière, et, pendant que la conversation continuait, elle se leva, trouva moyen de passer derrière moi et me dit à l’oreille d’une voix à peine perceptible :

« — J’ai à vous parler.

« Après avoir pris congé de la famille, je sortis lentement et regardai autour de moi.

« Je n’avais pas fait deux pas hors de la porte que je vis Khasima s’avancer vers moi. Elle avait fait le tour de la maison pour me rejoindre.

« — Kandawar, me dit-elle, prenez bien garde sur votre route ; il y a des gens qui voyagent par troupe ; ils circonviennent les gens qu’ils rencontrent, les invitent à faire route avec eux, sous prétexte de les protéger, puis, au moment propice, ils les tuent sans pitié.

« — Je n’ai pas peur, répondis-je.