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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/131

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cadavre et le glissai, la tête en avant, dans le creux de l’arbre. Le brigand était d’une grosseur respectable, car il me fallut un vigoureux effort pour le faire pénétrer dans l’ouverture.

« L’arbre ainsi fermé, j’y remontai à mon tour, brûlant de me mesurer avec mon dernier ennemi et de me venger cruellement.

« J’avais deviné juste.

« Le Thug descendait dans le bopal.

« — Bon voyage ! lui criai-je.

« Et je me mis à couper lentement, pour savourer ma vengeance, le bout de turban noué à la branche.

« J’entendis quelques malédiction insaisissables au fond du tronc ; la corde oscilla plus fortement ; je donnai un dernier coup ; tout tomba.

« Je descendis : la Thug frappait le tronc pour se faire entendre et essayait de pousser dehors le cadavre qui le retenait prisonnier.

« Mais j’étais décidé à ne pas le laisser sortir. Je fixai donc le corps en glissant par les joints des pierres, du bois, des broussailles, tout ce que je trouvai ; et je le calai si bien de tous côtés et dans les moindres interstices que le prisonnier n’aurait pu le faire bouger d’une ligne.

« Je m’élançai ensuite dans la direction du village pour faire ma déposition à l’autorité.

« Le jour était venu quand j’y arrivai. Je devais être dans un état épouvantable, car les premiers individus qui m’aperçurent s’enfuirent à mon approche.

« J’entrai enfin chez le magistrat de la commune, mais à peine fus-je devant lui, que je tombai inanimé.

« La fièvre me prit, puis un délire effrayant.

« Je restai malade pendant plusieurs semaines.

« Quand je fus rétabli, je conduisis le chef du village au bopal où j’avais enfermé le Thug : l’arbre était vide.

« On n’y trouva que quelques débris de l’homme qui était tombé sous mon poignard : l’autre avait disparu.

« Je ne puis m’expliquer comment, mais je suis certain qu’il est parvenu à fuir ; car je viens de le reconnaître ici même, parmi les accusés. »

Et le témoin désigna du doigt un des prisonniers placés au premier rang.

Le président fit avancer cet homme, qui se nommait Kharaa-Biggee, et lui dit :

— Est-ce bien vous que le témoin a enfermé dans l’arbre. Avouez franchement, le tribunal vous tiendra compte de vos aveux.

— C’est moi, répondit le Thug.

— Comment êtes-vous sorti de l’intérieur de l’arbre ?